Droits du patient
Redonnons au soin et aux professionnels et professionnelles qui le dispensent la place, la valeur et la reconnaissance qu'ils et elles méritent.
Publié le: 19 septembre 2024
Par: Élise Derroitte, vice-présidente de la MC
3 min
Une société qui ne peut plus prendre soin, reste-t-elle une société ? Face à la pénurie sans précédent des métiers du soin, la question mérite d’être posée (Lire aussi l'étude de la MC et de l'Institut pour l'égalité des hommes et des femmes). Dans les hôpitaux aujourd'hui, des unités ferment faute de personnel. Dans les maisons de repos, un quart des besoins risque de ne pas être couvert dans les deux prochaines décennies. Même les soins à domicile, pourtant de plus en plus privilégiés par les patients, seront frappés de plein fouet. La surcharge de travail et l’isolement des soignants à domicile menacent la qualité des soins relationnels, un aspect essentiel dans l’accompagnement de personnes vulnérables.
Soigner ne se résume pas à un calcul mathématique de ressources et de besoins.
Élise Derroitte, vice-présidente de la MC
On sait que le vieillissement de la population, l’augmentation des pathologies chroniques et des soins complexes vont entraîner une demande sans précédent, mais les écoles peinent à attirer des vocations. Et nombre des infirmières et des aide-soignantes qui embrassent cette carrière la quittent prématurément, épuisées par les conditions de travail ou parce qu’elles ne trouvent pas, dans la difficulté du métier, le sens qu’elles étaient venues y chercher. Le manque de personnel génère une surcharge pour celles qui restent, créant un cercle vicieux : plus de pression, moins de motivation, plus d’absences et de démissions.
Pour combler les lacunes du système d'aide à domicile, les personnes qui le peuvent pourront compter sur l'aide de leurs proches. Cependant, cette solution, souvent inévitable, impose une lourde charge physique, émotionnelle et financière aux familles. Ce poids repose principalement sur les épaules des femmes, premières à devoir réduire leur temps de travail ou changer de carrière pour s’occuper d’un proche. Les dispositifs de congés pour aidants ne sont pas suffisants, et l’impact financier est ressenti durement par les familles.
Il pourrait être tentant de voir l’arrivée de personnel venu de l’étranger comme une solution temporaire, mais elle pose des questions éthiques : ce ‘care drain’ oblige des familles entières à vivre séparées et reporte le problème sur des travailleurs et travailleuses que leur situation d’exil fragilise.
La pénurie augmente les risques de report de soins et de complications. Sans une intervention rapide, nous risquons de voir le secteur s’effondrer. La reconnaissance du rôle crucial des métiers du soin est indispensable, tout comme la mise en place de réformes structurelles pour offrir des conditions de travail décentes et attractives.
Soigner ne se résume pas à un calcul mathématique de ressources et de besoins, mais touche à des questions fondamentales de dignité, d’humanité et de solidarité. Il est essentiel de redonner du sens au métier, de le recentrer sur sa mission première. Et plus largement, toutes les professions de l'aide et de l'accompagnement (assistants sociaux, aides familiales et ménagères, gardes-malade, etc.) doivent aujourd'hui requérir notre plus grande attention.
En tant que mutualité, nous voulons remettre le soin au centre de la société et l’aborder comme un problème collectif : ce n’est ni en allant prélever des professionnels à l’étranger, ni en reportant la charge sur les familles, ni en aménageant à la marge quelques descriptifs de fonctions ou en proposant des incitants financiers que nous répondrons au défi. Nous devons remettre le soin au cœur de notre société, car nous sommes convaincus qu’on mesure la capacité à faire société par notre aptitude à prendre soin les uns des autres.