Soins de santé
Fléau de notre temps, la sédentarité tue plus que le tabac. Cet été, En Marche vous propose d’explorer les bénéfices d’un mode de vie plus actif. Deuxième épisode : rester trop longtemps assis ne fait pas du bien à notre circulation veineuse et lymphatique.
Publié le: 04 août 2021
Par: Candice Leblanc
8 min
Photo: © iStock
Nous sommes nombreux à confondre sédentarité et manque d’activité physique. Or, il s’agit de concepts différents. Le premier vient du latin sedere qui signifie "être, rester assis". Dans les études sur l’hygiène de vie, la sédentarité correspond au temps passé en position assise ou couchée, hors périodes de sommeil.
Bien que sédentarité et inactivité physique ou sportive soient souvent liées, elles ne sont pas forcément synonymes. Un employé de bureau peut faire trois heures de sport par semaine tout en restant assis plus de huit heures par jour – ce qui est considéré comme de la sédentarité. Et vice-versa : une serveuse de café qui marche toute la journée est considérée comme active, même si elle ne pratique aucun sport.
Le Covid-19 ne nous a peut-être pas (tous) mis à genoux, mais il nous a fait asseoir davantage ! D’après la dernière enquête Sciensano (1), en Belgique, en 2018, les adultes passaient 5,8 heures en moyenne par jour sur un siège. "Seuls" 23 % de la population belge restait assise ou couchée plus de huit heures. En mars dernier, non seulement nous étions deux fois plus nombreux (45 %) dans ce cas, mais la moyenne quotidienne générale avait grimpé à 8,2 heures. Soit deux heures et demie supplémentaires de sédentarité quotidienne…
En cause : le télétravail et les cours en distanciel, couplés à l’absence des loisirs et activités sociales habituelles – souvent au profit du temps passé devant les écrans – nous ont privés de nombreux déplacements et autres mouvements corporels. Les pauses-café avec les collègues au bout du couloir ont été remplacées par les réseaux sociaux ; à défaut de pouvoir sortir avec les copains, on a multiplié les soirées Netflix ; au lieu d’aller faire les courses dans les magasins, on se les fait livrer à domicile… Résultat : des centaines, voire des milliers de pas perdus...
Pour certains, les conséquences de cette sédentarité accrue se font désormais sentir dans leurs jambes. Varices, sensation de jambes lourdes, chevilles gonflées en fin de journée, crampes nocturnes… Avant la pandémie, près de la moitié de la population souffrait déjà de maladie ou d’insuffisance veineuse chronique (IVC) dont les varices sont la manifestation la plus fréquente. Le Covid-19 n’a rien arrangé, au contraire ! Maryse (prénom d'emprunt), 72 ans, peut en témoigner : "Cela fait des années que j’ai les jambes lourdes, surtout en été, quand il fait chaud. Avant, j’allais tous les jours me promener au parc, je portais des bas de contention et ça allait… Puis, le Covid-19 est arrivé. Je n’ai plus osé sortir de chez moi, même pas pour faire mes courses ; c’est mon fils qui y allait pour moi. Résultat : un an et demi plus tard, j’ai des jambes comme des poteaux ! Elles ne dégonflent même plus pendant la nuit…"
Pour comprendre ce phénomène, il faut se rappeler comment le sang circule. Deux types de vaisseaux sanguins parcourent notre corps. D’un côté, les artères et artérioles partent du cœur et transportent le sang chargé en oxygène dans notre organisme. De l’autre côté, les veines et veinules ramènent ce même sang vers le cœur où il sera rechargé en oxygène via les poumons… avant de repartir pour un tour. Grâce au muscle cardiaque, le sang est projeté dans les artères. Mais arrivé à nos extrémités, comment repart-il dans l'autre sens ? "L’intérieur de nos veines est tapissé de valvules, de petits replis membraneux qui empêchent le sang de redescendre sous l’effet de la gravité et facilitent ainsi son retour vers le cœur, explique le Dr Philippe Borgoens, chef de service adjoint de cardiologie et angiologie au CHR de Liège. Chez certaines personnes, ces valvules ne fonctionnent pas bien. En journée, le sang stagne alors dans la zone du corps la plus proche du sol, c’est-à-dire les chevilles et les mollets. C’est ce qu’on appelle la stase veineuse."
Les parois des veines étant naturellement plus fines que celles des artères – car soumises à moins de pression – elles se dilatent plus facilement, provoquant notamment des varices. Quant aux œdèmes qui font gonfler chevilles et/ou mollets, il s’agit ici d’une accumulation anormale de liquide dans les tissus. Ce liquide peut provenir du système veineux (2), mais aussi du système lymphatique. Pour rappel, la lymphe est un liquide transparent, qui joue un rôle prépondérant dans l’épuration des déchets de l’organisme et la défense contre les agents infectieux. Le système lymphatique est composé des vaisseaux et de ganglions. "Les vaisseaux lymphatiques sont très fins et sont composés d’une succession de lymphangions, explique Frédérique Bernard, kinésithérapeute spécialisée en lymphologie. Ces petites valves motrices jouent un rôle d’anti-reflux ; elles empêchent que la lymphe ne reparte en arrière." Le flux de la lymphe est plus long et plus lent que celui du sang. Les vaisseaux lymphatiques se dilatent davantage et sont plus perméables que les veines, laissant ainsi échapper du liquide dans les tissus des membres inférieurs.
Systèmes sanguins et lymphatiques ont un point commun : les muscles des mollets les stimulent. "C’est un phénomène mécanique de pompe et de drainage, explique le Dr Borgoens. Après sept ou huit pas, la pompe musculaire s’amorce. La contraction des mollets exerce une pression sur les vaisseaux où circulent le sang et la lymphe et draine ainsi les fluides vers le haut du corps. Un peu comme un ballon rempli d’eau : si vous appuyez dessus, le liquide gicle !" Les bas de contention – à la base de tout traitement contre l’IVC – et le drainage lymphatique fonctionnent selon le même principe. La pression exercée par le collant ou le massage stimule le retour des liquides veineux et lymphatique en ”appuyant” sur les vaisseaux.
Pendant la nuit, ce drainage est plus aisé puisqu’il est plus facile pour les liquides de circuler horizontalement que verticalement. Ce qui explique pourquoi la sensation de jambes lourdes est moindre, voire inexistante au réveil et apparait et s’intensifie au fur et à mesure de la journée.
En toute logique, plus nous marchons, plus nos mollets "pompent", mieux ça circule ! A contrario, plus nous restons immobiles, en position assise, couchée ou même debout, plus la circulation veineuse et lymphatique devient laborieuse. Ce n’est pas seulement désagréable : ça peut aussi devenir dangereux. Car la sédentarité augmente le risque de souffrir de thrombose veineuse profonde ou superficielle, d’ulcère veineux et des autres complications (3), parfois très graves, de l’IVC.
Que faire pour prévenir ces risques et améliorer ses symptômes ? "Marcher, aussi souvent que possible ! répond le Dr Borgoens. Car la sédentarité n’est pas dans notre nature. Il y a cent mille ans, l’être humain passait ses journées à marcher, en quête de nourriture. Depuis, notre organisme n’a pas changé, nous avons toujours le même système veineux et lymphatique." "Entretenir sa musculature stimule la circulation veineuse et lymphatique, ajoute Frédérique Bernard qui est également experte "Activité physique" à la Fondation contre le cancer. Raison pour laquelle l’exercice physique est toujours recommandé, y compris en cas de maladie chronique. Ne pas bouger de chez soi sous prétexte de se reposer n’est pas une bonne idée, car la sédentarité fait pire que bien. Dans les cancers, par exemple, de nombreuses études ont démontré qu’une pratique sportive régulière et adaptée augmente la qualité de vie pendant les traitements, lutte contre la fatigue oncologique et, plus important encore, diminue le risque de récidive."
Bref, il est temps de ranger les pantoufles du Covid et de (res)sortir les baskets : nos jambes nous diront merci !
(1) "Sixième enquête de santé Covid-19. Résultats préliminaires", Sciensano, Bruxelles, avril 2021.
(2) Le liquide provient alors du plasma sanguin, la partie liquide du sang, qui “traverse” les parois vasculaires au niveau microcirculatoire et s’accumule dans les membres inférieurs.
(3) La thrombose est la formation d’un caillot (thrombus) de sang coagulé dans un vaisseau sanguin. Si le caillot se détache et remonte jusque dans les poumons, il y provoque une embolie pulmonaire, potentiellement fatale.
Bon à savoir : les compléments alimentaires dits "veinotoniques" ont une faible efficacité par rapport aux recommandations ci-dessus et au port de bas de contention.