Soins de santé
Loin d’être dangereux, le sport pendant la grossesse est chaudement recommandé. En effet, moyennant quelques aménagements, faire de l’exercice est aussi bénéfique pour la mère que pour l’enfant à naitre.
Publié le: 21 novembre 2023
Par: Candice Leblanc
6 min
Photo: © Adobe Stock - Loin d’être interdite, l’activité physique pendant la grossesse est fortement encouragée.
Commençons par tordre le cou à une idée reçue : non, faire du sport n’augmente pas les risques de fausse couche ! Ni lors du premier trimestre ni après, ni même en cas de grossesse multiple (jumeaux, triplés, etc.). "Les études sont formelles : ces fausses croyances sont totalement infondées, rassure la Dr Sara Engels, gynécologue du sport au CHU Brugmann, à Bruxelles. « Bien sûr, il y a certaines précautions à prendre en fonction du trimestre et de la nature de l’activité, mais pour les grossesses non compliquées, quasi aucune discipline n’est interdite. Ainsi, si son périnée (1) tient le coup et en l’absence de douleurs ou de saignements, une coureuse enceinte peut continuer à courir jusqu’au terme."
Mon rythme cardiaque augmente naturellement, donc je risque d’être plus vite essoufflée, mais je le sais et j’adapte mon entrainement. D’ailleurs, si mes nausées me le permettent, je peux presque tout faire ! Course à pied, CrossFit, vélo, danse, tennis, basket, hockey, même les sports de combat (judo, karaté, etc.) sont autorisés ! Et pour cause : le fœtus est encore situé dans le bassin, bien à l’abri !
Même si le fœtus se développe davantage dans ma cavité abdominale, je continue à faire du sport tout en tenant compte des changements physiologiques induits par la grossesse. Comme je suis plus souple, voire hyperlaxe grâce à une hormone appelée relaxine, je fais attention en danse, en yoga et en gymnastique à ne pas trop forcer les exercices d’assouplissement, car je risque des blessures ligamentaires, surtout au niveau du bassin.
Le poids supplémentaire (le mien et celui du bébé) déplace mon centre de gravité et je perds plus facilement l’équilibre. Attention aux chutes qui, si elles sont rarement graves, peuvent provoquer des saignements et me faire stresser ! Si je continue un sport qui sollicite beaucoup les abdominaux et le périnée, c’est ce dernier qui risque d’encaisser et pas mon bébé ! Je préfère donc les sports portant comme le vélo elliptique ou la natation, plus "périnée friendly " ! De plus, alors que tout ce qui implique de courir ou de sauter peut augmenter mes lombalgies – fréquentes durant le dernier trimestre à cause de la forte cambrure de mon dos – nager les soulage.
La plongée sous-marine et le hot yoga sont les deux seuls sports à être strictement interdits dès le début de la grossesse, car ils sont dangereux pour le fœtus. Le premier à cause des échanges gazeux et des différences de pression et le second à cause du risque d’hyperthermie pour le fœtus.
Loin d’être interdite, l’activité physique pendant la grossesse est fortement encouragée. Les Collèges américain et britannique de médecine recommandent aux femmes enceintes de pratiquer au moins 150 minutes d’activité physique modérée par semaine. Soit l’équivalent d’une demi-heure par jour de marche active (à un bon pas), cinq jours sur sept, en plus des activités quotidiennes. Pourquoi ? Pour de multiples et très bonnes raisons !
D’abord, bouger permet de soulager certains inconvénients de la grossesse, au premier rang desquels les maux de dos et la sensation de jambes lourdes. " La grossesse modifie la coagulation du sang, ce qui augmente le risque de thrombose, rappelle la Dr Engels. Or, la sédentarité fait le lit des thromboses ! C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles on ne recommande plus jamais le repos strict, y compris en cas de grossesse compliquée ou à haut risque. " Ensuite, faire du sport diminue les risques de diabète gestationnel, d’hypertension artérielle et de (pré)éclampsie (2). Les femmes enceintes qui restent suffisamment actives ont aussi moins de risque de mettre au monde de gros bébés. Et s’il est tout à fait naturel – et souhaitable ! – de prendre quelques kilos pendant la grossesse, faire de l’exercice limite la prise de poids excessive.
Enfin, le sport en général est connu pour ses vertus antidépressives et anxiolytiques. "Des études ont démontré que les femmes actives pendant leur grossesse font nettement moins de dépression postnatale (3) que les sédentaires", ajoute la Dr Engels. À cet égard, rappelons que le suicide est la première cause de mortalité chez les jeunes mères… Prendre soin de leur santé mentale avant et après l’accouchement est donc primordial.
Bien sûr, il faut parfois adapter l’intensité ou la nature des efforts en fonction de l’avancement de la grossesse (voir encadré) et du profil individuel. Dans tous les cas, il faut rester attentive à son périnée qui, affaibli et surchargé par la grossesse, est la principale cause d’incontinence. "On n’en parle pas assez, regrette la gynécologue ! Dans l’absolu, toute femme pratiquant un sport exerçant une pression sur le périnée – courir, sauter, faire du CrossFit, soulever des poids, etc. – devrait veiller à renforcer les muscles entourant son périnée via des exercices hypopressifs (méthode pour travailler les muscles abdominaux profonds en douceur, NDLR). " En cas de fuites urinaires, ne tardez d’ailleurs pas à consulter votre médecin traitant ou votre gynécologue : il ou elle peut vous prescrire de la kinésithérapie périnéale. " Souvent, les femmes en font après l’accouchement. Or, elles peuvent faire quelques séances pendant ou même avant une grossesse. Mieux vaut apprendre à connaitre et gérer son périnée en amont plutôt que d’arrêter de faire du sport à cause de fuites urinaires."
Et après l’accouchement, quand une femme peut-elle reprendre le sport ? " Au bout de 6 semaines, voire plus tôt si son gynécologue ou son kiné estime que son périnée est prêt. En cas de césarienne, il faut attendre un peu plus longtemps : environ 8 semaines. " Et, comme évoqué plus haut, mieux vaut avoir fait de la kiné périnéale et reçu le feu vert du ou de la physiothérapeute avant de réattaquer les entrainements. Et en douceur, s’il vous plait ! En termes d’intensité, de fréquence, mais aussi de discipline sportive : rien ne vous empêche de reprendre avec une activité plus douce que celle que vous faites habituellement. "Le but du sport, c’est le bien-être, conclut la Dr Engels. Si vous ne vous sentez pas prête à reprendre deux mois après votre accouchement, c’est OK ! Vous n’êtes pas à quelques semaines près… Écoutez-vous, faites-vous confiance et reprenez quand vous le sentez ! "
(1) Le périnée est l’ensemble des tissus qui forment le plancher du petit bassin, entre l'anus et les parties génitales.
(2) La (pré)éclampsie est une maladie de grossesse, liée à l’hypertension artérielle, qui peut entrainer un décollement du placenta et/ou un accouchement prématuré.
(3) 10 à 15 %des femmes souffriront de dépression postnatale après leur accouchement. À la différence du baby blues, phénomène hormonal qui ne dure que 2-3 jours, la dépression postnatale dure plus de deux semaines et doit être traitée comme telle.