Consommation
Que ce soit à cause d’un diabète ou pour perdre du poids, de nombreuses personnes essayent de contrôler leurs apports en sucres. Pour bien faire, tout le monde devrait faire pareil ! Cela signifie-t-il renoncer aux douceurs comme le chocolat ? Pas forcément…
Publié le: 18 novembre 2024
Par: Candice Leblanc
7 min
Photo: (c)AdobeStock // Pour limiter la quantité de sucres ajoutés, on peut privilégier les chocolats noirs à minimum 70 % de cacao ou, mieux, 85 %. Encore faut-il aimer ça !
Aliment plaisir par excellence et fleuron de la gastronomie belge, le chocolat est emblématique de notre rapport parfois compliqué — et façonné de (fausses) croyances — à la nourriture. On lui prête de multiples vertus santé, analysées par des études scientifiques plus ou moins fiables. Qu’en est-il réellement ? Certes, le cacao — ingrédient principal du chocolat — contient de bons nutriments, notamment des flavanols, bénéfiques pour la santé cardiovasculaire. Mais hormis le chocolat à 100 % de cacao, tous les produits chocolatés contiennent aussi des sucres ajoutés ou des édulcorants.
Ne diabolisons pas d’emblée la grande famille des sucres (glucides). Pendant la digestion, ces différents glucides sont libérés sous forme de glucose dans le sang. C’est le principal carburant de nos muscles et de notre système nerveux : notre cerveau ne "mange" que ça ! Pas question, donc, de bannir tous les sucres.
Mais une consommation excessive de sucres dits "ajoutés" est déconseillée, a fortiori aux personnes présentant des caries, un surpoids, de l’hypertension et/ou du diabète. Cela dit, limiter les apports en sucres reste plus facile à dire qu’à faire ! Et pour cause : notre appétence pour le gout sucré est naturelle, profondément ancrée — le lait maternel nous habitue déjà à cette saveur douceâtre — et fortement associée au plaisir et au réconfort. Se passer de sucre, pour beaucoup, c’est se frustrer. Or, la frustration est l’ennemi numéro 1 d’un comportement alimentaire équilibré. Pour manger correctement et sainement sur le long terme, se faire plaisir reste indispensable.
"Le sucre, même ajouté aux aliments qui n’en contiennent pas naturellement, n’est pas un problème quand il est consommé avec modération, même en cas de diabète, assure Laurence Dieu, cheffe du service de diététique du groupe hospitalier montois Hélora. D’ailleurs, les recommandations nutritionnelles sont les mêmes pour la population générale que pour les diabétiques : à savoir maximum 10 % de sucres ajoutés de l’apport calorique total." Pour une personne dont les besoins s'élèvent à 2.000 kcal par jour, par exemple, cela représente 200 kcal, soit huit morceaux de sucre (environ 50 g). Le hic, c’est que la majorité d’entre nous en consomment (bien) davantage ! Car ça va vite : une canette de soda contient déjà sept morceaux de sucre. Sans oublier les sucres cachés, comme le sirop de glucose, que l’industrie agroalimentaire a tendance à ajouter partout, y compris dans des aliments salés aussi improbables que les lardons ou les chips ! Or, pour de nombreuses personnes, notamment les diabétiques, ne pas dépasser le quota de 10 % de sucres ajoutés par jour est nécessaire pour espérer garder sous contrôle sa glycémie, c’est-à-dire son taux de sucre dans le sang.
Source : edulcorants.eu
"Diabétique ou pas, tout le monde devrait avoir une alimentation équilibrée, estime Laurence Dieu. Notamment en privilégiant les aliments à index glycémique (IG) bas – c’est-à-dire qui font monter moins vite la glycémie – et limiter ceux à IG haut, qui la font rapidement grimper (1)."
Revenons à nos chocolats. Afin de limiter la quantité de sucres ajoutés, nous pouvons privilégier les noirs à minimum 70 % de cacao ou, mieux, 85 %. Encore faut-il aimer ça ! Car, qui dit moins sucré dit aussi plus amer.
Une solution consiste donc à remplacer le sucre classique (saccharose) par des alternatives. Il en existe plusieurs et toutes ne se valent pas (voir encadré). Contrairement à ce que d’aucuns croient, le sucre de coco ou le sirop d’agave, très à la mode et réputés plus "sains" que le sucre blanc, apportent aussi bon nombre de calories et impactent la glycémie. Certains fabricants de chocolat utilisent donc des édulcorants basses calories. Avantages : ils ont un pouvoir sucrant très supérieur au saccharose, mais sans réel impact sur la glycémie. Ils sont donc recommandés aux diabétiques. Problème : leur saveur ne convainc pas tout le monde. La stévia pure, par exemple, apporte un léger gout anisé. Quant à l’aspartame, un nombre croissant de personnes s’en méfie. À dose élevée d’aucuns le suspectent d’avoir un potentiel cancérigène.
Il y a donc une vraie demande pour des chocolats et autres douceurs sans sucres, mais qui gouteraient "comme" avec du sucre. Pour ce faire, certains chocolatiers utilisent des édulcorants de masse, qui apportent des calories, mais moins que le saccharose et, surtout, qui ont nettement moins d’impact sur la glycémie. C’est le cas, par exemple, de la Maison Lavoisier, une petite pâtisserie-chocolaterie basée à Jette. "Mon père a un diabète de type 2 plutôt sévère, raconte Amel, la fondatrice. Il adore le chocolat et les viennoiseries, mais il ne pouvait quasi plus y toucher. Et, comme beaucoup de gens, il déteste le gout des édulcorants, qu’il trouve 'chimique' et trop éloigné du sucre classique." En 2015, Amel a donc une idée : créer des pralines et pâtisseries aux qualités gustatives haut de gamme, mais à IG plus bas.
En collaboration avec la diététicienne Laurence Dieu, qui l’informe sur les édulcorants, Amel teste et combine différents sucrants à IG bas, qui puissent à la fois donner un bon gout sucré et être utilisés en pâtisserie. Une gageüre, car certains édulcorants réagissent mal à la cuisson ou la réfrigération, ne se caramélisent pas ou ne donnent pas un gout ou une texture satisfaisante.
Au bout de plusieurs mois, à coup d’essais et erreurs, Amel finit par mettre au point une combinaison de dérivés de blé, de riz, de malt et de chicorée, qui coche toutes les cases de son projet. Elle teste ses premières douceurs sur elle-même, en mesurant plusieurs fois sa glycémie après les avoir absorbés. Bingo ! Son taux de sucre ne bouge pas ! Le test du papa est tout aussi concluant : "Non seulement sa glycémie n’est que très peu montée, mais la saveur est si proche du sucre classique qu’il peinait à croire que mes préparations n’en contenaient pas !" De fait, la différence de goût par rapport à des produits sucrés de façon traditionnelle est subtile. Aujourd’hui, la Maison Lavoisier propose une centaine de produits "sugar free" et "diabetic friendly" : pralines, biscuits, viennoiseries, gâteaux, glaces, etc. Pour le plus grand bonheur d’une clientèle, diabétique ou non, soucieuse de réduire ses apports en sucres. Cela dit, Amel rappelle que ses produits "ne font pas maigrir. Je suis pâtissière, pas magicienne ! Pour les viennoiseries, les biscuits et les gâteaux, il faut bien que j’utilise des farines et des matières grasses (2)." Surveiller la quantité, toujours !
En outre, "il n’y a pas de sucre miracle", précise Laurence Dieu. En effet, la Maison Lavoisier combine plusieurs produits et techniques pour réduire la charge glycémique de ses préparations : des édulcorants à fort pouvoir sucrant — ce qui permet d’en mettre moins — associé à un mélange de farines présentant des IG plus bas. Mais attention : "Chaque métabolisme réagit différemment ! rappelle la diététicienne. Si ses chocolats et glaces n’influencent pas trop la glycémie, les pâtisseries et biscuits peuvent malgré tout la faire monter. Je recommande donc à chaque diabétique de vérifier la sienne après avoir consommé de tels produits. Et, à tout le monde de rester raisonnable sur les quantités." Car, comme toujours en matière d’alimentation, l’excès nuit en tout !