Soins de santé
Les bienfaits du régime méditerranéen (ou crétois) sur la santé ne sont pas une découverte récente. Mais ce modèle d'alimentation revient au-devant de la scène, une série d'études scientifiques prouvant son efficacité tant pour prévenir de maladies chroniques que pour maigrir durablement.
Publié le: 02 juin 2021
Par: Joëlle Delvaux
8 min
Photo: Le régime méditerranéen n'exclut aucune catégorie d'aliments et utilise des graisses de qualité. - © iStock
Pour bon nombre d'entre nous, plus d'une année de confinement a pesé lourdement sur la balance. La perspective de températures estivales, assorties de libertés retrouvées, nous sort lentement de la torpeur. Comment faire pour maigrir ou mincir… sans trop se priver et surtout sans reprendre au bout d'un certain temps tous les kilos perdus de haute lutte ? Dans un précédent article (Les fausses promesses des régimes, édition du 6 mai), Nicolas Guggenbühl, expert en diététique et nutrition, nous a éclairés sur des régimes tendance comme le régime cétogène, le régime paléo ou le jeûne intermittent. Il nous a mis en garde contre les régimes alimentaires restrictifs. "Ils constituent un risque pour la santé en raison d’un apport insuffisant en nutriments essentiels. Pour une perte de poids durable et une vie en bonne santé, le best off des régimes est incontestablement le méditerranéen", concluait-il. Explications.
"La cuisine méditerranéenne, et plus particulièrement le régime crétois, est l'incarnation même des recommandations nutritionnelles pour une alimentation saine. Du reste, la pyramide alimentaire remise à jour en 2020 s'en inspire fortement, explique d'emblée Nicolas Guggenbühl (1). Le régime méditerranéen se caractérise par une alimentation riche en produits végétaux (légumes, fruits, légumineuses, céréales complètes…), une faible consommation de produits laitiers (sauf yahourt et fromages) et de viandes (surtout de la volaille et peu de viande rouge), du poisson, l'utilisation abondante d'huile d'olive, principal apport en matières grasses, des préparations maison simples, peu d'additifs, de sel ajouté et de sucreries… "Cette façon de se nourrir, qui correspond aux habitudes des habitants des régions oléicoles du bassin méditerranéen depuis des siècles, est bénéfique pour la santé dans tous les domaines (lire ci-dessous)", constate le professeur de diététique à la HE Vinci. "Hélas, encore vivaces dans les années 80, ces habitudes ont tendance à disparaitre dans ces pays", regrette-t-il. En cause, citons pêle-mêle : l'introduction d'aliments industriels transformés, riches en acides gras saturés et en sucres, le déploiement du fast food, une consommation plus élevée de beur re, crème et fritures, un apport accru en protéines animales, des repas accompagnés de sodas… Sans parler de la taille des portions qui s'agrandit... et une bais se de l’activité physique. Le paysan crétois des années 60 passait sa journée au champ !
La recherche clinique nous l’apprend : ce qui fait l’efficacité d’un régime amaigrissant, c’est avant tout notre capacité à le suivre à longue échéance. Ce principe fait largement consensus, explique le Dr Boris Hansel, médecin hospitalier et professeur à la faculté de santé de l'Université de Paris, sur la chaîne indépendante Pour une meilleure santé (2). Pour lui, il n’est pas étonnant qu’un régime méditerranéen, qui n’exclut aucun groupe d’aliments, soit plus efficace qu’un régime pauvre en lipides (graisses), souvent perçu comme incompatible avec la "bonne cuisine". "La variété alimentaire ainsi que la qualité des matières grasses et la richesse en fibres et en micronutriments favorisent l’adhésion à long terme au régime méditerranéen", poursuit l'endocrinologue et nutritionniste.
Compte tenu de sa richesse en matières grasses d’origine végétale (huile d’olive, graines et fruits oléagineux), on pourrait pourtant imaginer que le régime méditerranéen favorise la prise de poids. Or, comme le montrent les résultats d'une étude menée en Espagne auprès de 7.500 patients (dont 90% en surpoids ou obèses)(3), il n’en est rien. "En pratique, cet essai ne cherchait pas à évaluer les vertus amaigrissantes d’une telle alimentation. Il n’y avait donc aucune restriction calorique, décrit le Dr Boris Hansel. Et pourtant, après cinq ans d’étude, les participants ayant suivi un régime méditerranéen n’ont pas pris plus de poids que ceux qui ont adopté un régime pauvre en graisses ! Mieux : un tel régime va de pair avec une réduction du tour de taille et des pathologies liées à la graisse abdominale : syndrome métabolique, diabète, inflammation du foie pouvant évoluer vers la cirrhose…".
Pour le Dr Hansel, il n'y a aucun doute : le régime méditerranéen s'avère efficace pour perdre durablement du poids. À condition toutefois de faire attention à son comportent alimentaire – ne pas grignoter, ne pas se resservir… – et de pratiquer une activité physique régulière.
Quel que soit le régime, la restriction n’est jamais la solution et peut aggraver ou créer des troubles alimentaires, met en garde le médecin. En cas d’alimentation émotionnelle, compulsive, etc. se faire accompagner par un psychologue est vivement con seillé. Et dans tous les cas, l'accompagnement par un diététicien est utile pour un suivi personnalisé et adapté.
Le modèle méditerranéen crétois bénéficie d'une reconnaissance internationale. Il traverse les époques sans effet de mode et il fait consensus dans la communauté scientifique, ce qui n'est pas le cas d’autres régimes, observe Linda Gray, consultante en nutrition santé durable et auteure d'un ouvrage qui allie théorie et pratique (140 recettes) pour une hygiène de vie durable (4). "L'abondance des produits végétaux, l'équilibre des graisses, le bon ratio animal/végétal garantissent une assiette antioxydante, anti-inflammatoire, non-acidifiante, à index glycémique bas, pauvre en sel et à haute densité nutritionnelle, écrit-elle. Pour faire simple, le modèle crétois – assez proche de notre culture alimentaire – garantit plus de vieillir en bonne santé, de conserver son dynamisme, sa mobilité, son énergie et toute sa tête, le plus longtemps possible".
(1) La pyramide alimentaire 2020 développée par Food in action et le département diététique de l’Institut Paul Lambin (HE Vinci), a été adaptée aux recommandations alimentaires pour la Belgique. À consulter sur foodinaction.com.
(2) "Régime méditerranéen : le meilleur des régimes en 2021 ?", 5 janvier 2021, à lire ou visionner sur pums.fr, chaîne santé tout public, animée par un collège de médecins, dont l’objectif est de fournir une information 100% fiable et des conseils pratiques.
(3) L'essai a été effectué dans le cadre du projet Predimed - Prevención con DIeta MEDiterránea. Les résultats ont été publiés dans le New England Journal of Medicine en 2018.
(4) "Donnez du goût à votre santé", Linda Gray, Testez éditions, 2021, 384 p, 33 EUR.
Le régime méditerranéen – et plus particulièrement le régime crétois – intéressent les scientifiques depuis le début des années 50. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, à la demande du gouvernement grec, la Fondation Rockefeller lance une étude épidémiologique sur les conditions de vie, qui va révéler les habitudes alimentaires des Crétois. À la même époque, le chercheur américain Ancel Keys entreprend une vaste étude comparative sur les habitudes alimentaires et les risques de maladies cardiovasculaires de 13.000 individus répartis dans sept pays dont les États-Unis et la Grèce – où sont étudiées les populations de Crète et de Corfou. Cette étude va attirer l’attention sur le faible taux de mortalité et d’accidents cardiovasculaires des Crétois. Globalement, grâce à leur mode de vie, ces habitants paraissaient miraculeusement protégés contre de nombreuses causes de mortalité. Encore fallait-il vérifier l'hypothèse du rôle protecteur du régime alimentaire, la vie des habitants de Crète se distinguant des autres populations étudiées par un rythme de vie moins stressant, une faible exposition à la pollution environnementale, une vie sociale et une entraide développée… Autant de caractéristiques pouvant expliquer aussi leur meilleure santé cardiovasculaire.
"Une revue générale des méta-analyses, des études observationnelles et des essais cliniques qui ont suivi montre que l'observance d’un régime méditerranéen est bel et bien associée à un risque réduit de maladies chroniques (cancers, maladies cardiovasculaires et neurodégénératives, dont la maladie d'Alzheimer), précise le Dr Boris Hansel dans "Le régime méditerranéen : idéal pour maigrir ?", un article paru le 7 janvier 2021 sur le site de The Conversation, un média en ligne qui éclaire l'actualité par de l'expertise fiable. Le professeur épingle en particulier les résultats éloquents d'un essai mené entre 2003 et 2009 auprès de 7.500 espagnols (projet Predimed abordé ci-dessus): "L'alimentation de mode méditerranéen réduit de 30% le risque d’événements cardiovasculaires par rapport à un régime pauvre en graisses".
La prise de poids est liée à un déséquilibre calorique : les apports alimentaires caloriques (glucides, lipides et protéines) sont plus élevés que les dépenses énergétiques (au repos et lors de l’activité physique). Mais de multiples facteurs pouvent influencer l’apport alimentaire ou réduire la dépense énergétique.
Face à un excès de poids, deux solutions existent en principe.
• Augmenter l’activité physique pour augmenter les dépenses caloriques.
Séduisante, cette solution n’est pas très efficace pour perdre du poids. Certes, une pratique régulière de quelques heures de sport par semaine a un impact bénéfique sur le poids, la composition corporelle (proportion de masses maigre/ grasse) et la santé en général. On sait que les personnes très sédentaires ont un risque accru de 33% de développer un surpoids voire une obésité. Mais à moins de pratiquer un sport intensif, l’impact de l’exercice physique sur la perte de poids est faible, certainement en raison d’une compensation naturelle en apports alimentaires.
• Manger moins pour réduire les apports en calories.
Qu'ils soient hypolipidiques, hyperprotéinés, dissociés, cétogènes…, tous les régimes hypocaloriques peuvent s'avérer efficaces pour maigrir. Mais la privation de certaines catégories d'aliments et/ou une restriction calorique trop drastique entraînent, à plus ou moins brève échéance, un risque élevé de reprise de poids. Au bout de quelques temps, la motivation s’érode tandis que le corps met en oeuvre des mécanismes biologiques de compensation. La majorité des essais cliniques menés chez des personnes en surpoids ou obèses qui suivent un régime hypocalorique montrent une reprise partielle ou totale du poids, généralement à partir du 6e mois. Les rares études menées sur plus d’un an indiquent une perte moyenne de l’ordre de 3 à 5% du poids initial. Un suivi au-delà de la 2e année est rarement disponible.
Source : Dr. Boris Hansel dans "Le régime méditerranéen : idéal pour maigrir ?", 7 janvier 2021, theconversation.com