Alimentation

Le (vrai) coût de l'ultra-transformé

De nombreuses voix s'élèvent pour rendre nos assiettes plus saines. Pas si facile quand le prix des produits ultratransformés s'avère plus attractif que celui des aliments de qualité.

Publié le: 21 mai 2024

Mis à jour le: 26 septembre 2024

Par: Sandrine Cosentino

3 min

Enfant avec un bout de pizza dans la bouche, la part dans la main gauche, et un bitcoin dans la main droite.

Photo: @AdobeStock

Légumes bio, circuits courts, nouvelles habitudes alimentaires… De nombreux citoyens tentent d'améliorer la qualité de leurs repas. Mais une question revient toujours au menu : comment favoriser une alimentation saine quand l'industriel écrase les prix ? En Marche a comparé le prix de plusieurs pizzas industrielles au jambon et le coût d'une pizza faite maison. Dans trois supermarchés, la pizza surgelée la moins chère est vendue 1,89 €. Pour celle maison, nous avons acheté des produits d'une marque distributeur non bio : 75 gr de jambon cuit à 0,90 €, de la passata de tomates à 0,40 €, une boule de mozzarella à 0,90 €, 100 gr d'emmental râpé à 1 € et une pâte faite maison à environ 1 €. Le résultat interpelle : notre pizza maison revient à 4,20 €, soit plus du double de la pizza surgelée low cost !

Production intensive

Sciensano confirme dans une étude menée en 2020 : les aliments ultra-transformés sont clairement moins chers (0,55 €/100 kcal) que les aliments peu ou pas transformés (1,29 €/100 kcal). Comment en est-on arrivé à proposer des aliments contenants des additifs, plus de sel, de sucre, de graisses et peu (voire pas) de fibres, de vitamines et de minéraux moins chers que les aliments apportant les nutriments nécessaires à notre bonne santé ?

Originaire d'une famille de fermiers et ancien maraicher bio, Xavier Anciaux est co-coordinateur de la ceinture alimentaire Charleroi-Métropole. L'accès à une nourriture de qualité  devrait être un droit pour tous, défend-il. "Mais lorsque les fins de mois sont difficiles, que l'on dispose de peu de temps pour cuisiner et que certains plats préparés sont proposés à des prix défiant toute concurrence, on comprend que certaines personnes se tournent vers des aliments peu qualitatifs."

Plusieurs facteurs permettent à l'industrie agro-alimentaire d'écraser les prix. Les ingrédients sont issus de la culture et de l'élevage intensifs. Les fruits et légumes sont calibrés pour passer dans les machines. Les produits sont fabriqués en grande quantité. Les industriels utilisent également la méthode du cracking, consistant à décomposer un aliment brut en plusieurs ingrédients. Ce processus de fragmentation dénature complètement l'aliment et engendre une perte des nutriments essentiels pour notre corps.

Coûts cachés pour la santé

Une méta-analyse internationale réalisée par l'École de santé publique Johns Hopkins Bloomberg à Baltimore démontre qu'une exposition régulière aux aliments ultra-transformés est systématiquement associée à un risque accru de 32 effets néfastes sur la santé (maladie cardiaque, cancer, diabète de type 2, troubles mentaux, etc.). Selon l'Institut national de recherche pour l'agriculture en France (Inrae), pour un euro dépensé dans un aliment industriel, on paie ensuite 0,50 € en soins de santé, 0,30 € en restauration de la biodiversité et 0,20 € en coûts sociaux et économiques. "Finalement, en achetant des produits industriels à bas prix, nous malmenons notre santé et l'environnement", traduit Xavier Anciaux.

Taxer la malbouffe ?

Une étude de Sciensano établit que les enseignes de la grande distribution en Flandre allouent trois fois plus de place dans leurs rayons aux produits alimentaires défavorables à la santé qu'aux aliments favorables. Difficile dans ces conditions, pour le consommateur, de privilégier les bons choix alimentaires. "Il faudrait inverser la tendance pour que les produits meilleurs pour la santé coûtent moins chers aux consommateurs", renchérit Xavier Anciaux.

Limiter les publicités pour la malbouffe est une autre piste, comme le suggère la MC dans son mémorandum électoral. Le Royaume-Uni l'a testé avec succès, voyant les achats de confiserie et de chocolats diminuer de près de 20 % après avoir interdit la publicité pour ce type de produits dans les transports publics londoniens.

Faudrait-il également indiquer "à consommer avec modération" sur certains aliments, comme on peut le lire sur les produits contenant de l'alcool ? Autant de pistes – parmi d'autres – à explorer collectivement pour modifier notre système alimentaire de manière durable.