Droits du patient
Qu'est-ce qu'on mange ? La question préoccupe l’humanité depuis la nuit des temps. Mais alors que notre ancêtre se souciait surtout de savoir si la chasse serait bonne, son contemporain occidental s'arrache les cheveux devant l'abondance…
Publié le: 27 mai 2024
Par: Joëlle Delvaux et Sandrine Warsztacki
6 min
Photo: © AdobeStock // En privilégiant des produits locaux et de saison, chacun peut apporter sa pierre à l'édifice dans la lutte contre le réchauffement climatique
Si les magasins n'ont jamais été aussi bien achalandés, la mondialisation du système alimentaire apporte son lot de questions légitimes. Par exemple : "Est-ce que j’opte pour le concombre bio engoncé dans son plastique ou son équivalent non bio mais non emballé ?" Entre considérations environnementales, éthiques, diététiques, pratiques et financières, se nourrir frise le casse-tête. S’il n’existe pas de recettes simples, voici quelques pistes pour faire de meilleurs choix pour notre santé et celle de la planète. Sans risque d'indigestion.
Réduire sa consommation de viande est une des clés pour manger durable, assure Renaud De Bruyn, expert alimentation. Pollution des eaux et des sols, perte de biodiversité…l'impact de l'élevage intensif sur l'environnement est considérable. Ce secteur contribue aussi au réchauffement climatique à hauteur de 12 % des émissions de gaz à effet de serre dues à l'activité humaine. Mais toutes les viandes ne sont pas à mettre dans la même barquette : la volaille "pollue" moins que le porc qui "pollue" moins que le bœuf...
Mettre la pédale douce sur le barbecue sera aussi bénéfique pour la santé. L'excès de viandes (porc, veau, bœuf, agneau, cheval) et de charcuteries grasses augmente notamment les risques de maladies cardiovasculaires. Mais la viande peut tout à fait garder sa place dans l'assiette, à condition de privilégier la qualité (viande bio, locale, animaux élevés en plein air, en pâturage, etc.) à la quantité.
En complément de la pyramide alimentaire, honneur à l'épi alimentaire ! Cet outil, développé à partir des recommandations émises par le Conseil supérieur de la santé, résume les connaissances les plus récentes de la science diététique sous la forme d'une simple fleur de blé dont les 5 pétales correspondent aux 5 priorités pour une vie en bonne santé.
À retenir par ordre d'importance décroissant :
Entre les colonnes de chiffres et les termes abscons écrits en minuscules, décrypter une étiquette nutritionnelle dans la cohue d'un supermarché relève du challenge ! Avec ses 5 lettres (de A à E) associées chacune à une couleur (du vert au rouge), le Nutri Score résume les informations et permet en un clin d'œil de savoir si le produit est bon ou non pour la santé.
Cet outil est utile pour comparer des produits similaires entre eux et faire les choix les plus sains. Par exemple, préférer l'huile d'olive ou de colza aux autres matières grasses. Les produits classés D ou E peuvent faire partie d'une alimentation équilibrée mais ils doivent être consommés en moindre quantité. Malheureusement, le Nutri-Score n'est toujours pas obligatoire, ce qui ne facilite pas les choix nutritionnels.
Selon les estimations, on gaspillerait chacun en moyenne 70 kilos de nourriture par an, soit 250 à 450 euros ! "Quand on jette un aliment, on jette aussi toute l'énergie, le travail, les matière premières qui ont été nécessaires pour le produire", ajoute Renaud De Bruyn.
S'organiser avant de faire ses courses et lister les menus de la semaine évitent bien des achats inutiles, recommande l'expert alimentation. Acheter en vrac pour ne prendre que la quantité nécessaire permet en plus de réduire ses déchets (63 kilos de déchets d'emballage par an et par personne !). À la maison, ranger les aliments dans le frigo avec les dates de péremption visibles évitera quelques surprises poilues… Et si malgré tout, la date fatidique de péremption approche, penser à la surgélation !
Une fraise de Wépion parcourt 2.000 kilomètres de moins qu'une fraise andalouse avant d’atterrir dans notre assiette. Et les tomates cultivées sous serre chauffée consomment 11 fois plus d'énergie que celles muries au soleil ! En privilégiant des produits locaux et de saison, chacun peut apporter sa pierre à l'édifice dans la lutte contre le réchauffement climatique. Mais quid du dilemme qui guette le consommateur devant les étals de pommes : acheter du belge non bio ou du bio cultivé en Argentine ?
Faut-il privilégier le fruit qui a le moins d'impact en termes de CO2 ou celui qui évite les pesticides nocifs pour la santé et les écosystèmes ? "On ne peut pas comparer… des pommes et des poires. En l'occurrence deux pollutions très différentes, commente Renaud De Bruyn. Cela dépendra des priorités de chacun. Mais le choix peut aussi être d'acheter un autre fruit."
Dans le bio, pas d’engrais chimiques ni de pesticides, d’OGM ou d’hormones de croissance. C’est bon pour la santé, l’eau, les sols et la biodiversité ! L'appellation "biologique" ne peut pas être brandie à l'emporte-pièce. Elle fait l'objet d'une réglementation européenne dont les critères sont contrôlés par des organismes indépendants. Toutefois cet écolabel européen (petite feuille verte étoilée) n'inclut aucune exigence concernant la distance, la saison, la juste rémunération des producteurs, la qualité nutritive, le suremballage (pire : la certification européenne impose que les aliments bio soient clairement séparés des autres, raison pour laquelle on les retrouve emballés dans les supermarchés.).
De nombreux labels privés vont plus loin que la réglementation européenne en y ajoutant des critères sociaux, économiques, environnementaux. C'est le cas des labels belges Biogarantie® et surtout, Nature & Progrès (non disponible en grande surface). À noter que le nouveau label Fairtrade (ex-Max Havelaar) sur fond blanc indique qu'un seul ingrédient du produit provient du commerce équitable.
Marché de producteurs, groupe d'achats solidaire, épicerie coopérative… Les alternatives à la grande distribution se développent largement. En réduisant les intermédiaires, ces lieux permettent de garantir un salaire décent aux producteurs sans pour autant faire exploser l'addition pour le consommateur qui y gagnera en saveur et en qualité nutritionnelle. Les fruits et légumes bio n'y sont généralement pas plus chers au kilo que leurs équivalents vendus en supermarché.
"Avec leurs enseignes lumineuses, les supermarchés sont très visibles. Ils sont là depuis toujours et on y a ses habitudes... Mais on passe peut-être en chemin à quelques mètres d’un petit magasin qui vend en vrac ou d’une coopérative de producteurs, sans y prêter attention", observe Renaud De Bruyn.
L'expert d'écoconso invite à faire preuve de curiosité.Et de flexibilité pour changer ses habitudes alimentaires en douceur. "On peut continuer à faire ses courses en grande surface, tout en complétant ses achats à l'épicerie bio. Diminuer la consommation de certains produits sans les bannir. Et équilibrer son budget alimentaire en économisant sur des postes comme les sodas, l'eau en bouteille…"