
Soins de santé
Répandue sur les réseaux sociaux, la théorie selon laquelle les vaccins à ARNm contre le Covid pourrait déclencher des cancers fulgurants n’a pourtant aucun fondement scientifique.
Publié le: 19 février 2025
Par: Florence Marot
3 min
Photo : ©AdobeStock // Les vaccins à ARN messager contre le Covid-19 (BioNTech/Pfizer et Moderna) seraient-ils responsables de l’apparition ou de l’aggravation de certains cancers ?
C’est une question qui revient de temps en temps dans les cabinets médicaux : les vaccins à ARN messager contre le Covid-19 (BioNTech/Pfizer et Moderna) seraient-ils responsables de l’apparition ou de l’aggravation de certains cancers ? Cette théorie anxiogène, assez courante sur les réseaux sociaux, prétend que la vaccination anti-Covid induirait une augmentation de cas de cancers agressifs, appelés "turbo-cancers", notamment chez les jeunes. Or, précisons-le d’emblée : cette expression n’a aucune signification médicale.
Cette rumeur, apparue peu après les campagnes de vaccination généralisées contre le Covid-19, trouve en partie son origine dans la mauvaise interprétation d’un rapport de cas publié en 2021 par des chercheurs belges. Ces derniers, sans remettre la balance bénéfices-risques de la vaccination anti-Covid en question, suggéraient un possible lien entre une rare accélération d’un lymphome (un cancer du système immunitaire) et l’administration d’une dose de rappel du vaccin de Pfizer. A travers le monde, seuls quelques cas comparables ont été rapportés. Bien que ces observations soient rarissimes, les opposants à la vaccination n’ont pas manqué de s’en emparer pour attiser la peur. Pourtant, ces complications exceptionnelles ne signifient pas que les vaccins à ARNm peuvent déclencher ou accélérer n’importe quel type de cancer, comme l’affirment à tort certains influenceurs avides de clics. Lancés il y a un peu plus de quatre ans, les vaccins anti-Covid font l’objet d’une surveillance continue dans le cadre de programmes de pharmacovigilance nationaux et internationaux. À ce jour, "la rareté des cas décrits par rapport à l’exposition aux vaccins (plusieurs milliards de doses à travers le monde), ne plaide pas en faveur d’une relation de cause à effet ", soutient l’Agence fédérale des médicaments et produits de santé (AFMPS).
S’il est vrai que la pharmacovigilance a mis certains effets indésirables rares en évidence, comme des inflammations cardiaques (myocardite et péricardite), "on n’a pas observé d’augmentation de cancers liés à ces vaccins", assure le Dr Aspasia Georgala, spécialiste des maladies infectieuses à l’Institut Jules Bordet, un centre de référence dans le traitement des cancers à Bruxelles.
L’affirmation selon laquelle les cancers touchent de plus en plus de patients jeunes est, elle aussi, à nuancer. "Globalement, il y a une augmentation de l'incidence des cancers, notamment chez les moins de 50 ans. Mais c'était déjà le cas avant le Covid. Ce n'est donc pas depuis que ces vaccins existent que la courbe se serait soudainement accentuée", abonde le Dr Laurence Buisseret, cheffe ad intérim de la clinique d'oncologie de l'Institut Jules Bordet.
Les causes, lorsqu’elles sont identifiables, sont à chercher ailleurs : "Il y a d'une part l'amélioration du dépistage, et d'autre part des facteurs environnementaux comme la pollution de l'air et de l'eau, les pesticides dans l’alimentation, la sédentarité, le vieillissement de la population etc. Tous ces facteurs-là jouent un rôle", rappelle-t-elle.
Dr Laurence Buisseret
Un peu plus de quatre ans après leur mise sur le marché, les vaccins anti-Covid et leurs effets indésirables potentiels continuent d’alimenter de fausses informations sur les réseaux sociaux. Si pour certains, l’adhésion à ces théories est un moyen de donner du sens à un événement traumatisant, pour d’autres il s’agit d’un réel business. Revenus publicitaires, vente de produits alternatifs ou de livres… certains influenceurs l’ont bien compris : la détresse humaine peut rapporter gros.