Soins de santé
Le CBD, une substance extraite du cannabis, est à la mode. Vendu comme une alternative "saine" et relativement légale à la marijuana, on lui prête de multiples vertus santé. Qu’en est-il réellement ?
Publié le: 15 décembre 2023
Par: Candice Leblanc
7 min
Photo: © Adobe Stock - Le CBD aurait un pouvoir antioxydant et anti-inflammatoire, des effets anxiolytiques, antinausées et antidouleurs.
Il y a quelques années, on a vu fleurir un peu partout des CBD shops. Plaqué sur le modèle des coffee shops hollandais, ces commerces proposent ce que d’aucuns appellent le "cannabis légal" : le cannabidiol (CBD), une substance naturelle extraite des fleurs de cannabis. Contrairement au THC, l’autre composé bien connu de la même plante, le CBD n’est pas un stupéfiant : il n’a pas d’effet psychotrope – il ne fait pas "planer" – et ne provoque pas d’assuétude (1).
Outre les fleurs séchées que de nombreuses personnes fument sous forme de joint, le CDB et ses dérivés naturels ou synthétiques rentrent dans la composition d’un nombre croissant de produits : bonbons, chocolats, bières, chewing-gums, crèmes antirides, huiles de massage, savons, compléments alimentaires en tout genre, à usage humain ou vétérinaire, etc. Loin d’être cantonnés aux CBD shops et sur internet, de tels produits se trouvent désormais en (para)pharmacie, dans certains magasins bios et même dans la grande distribution. Le marché du CBD est en pleine croissance : au niveau mondial, il a doublé en trois ans et atteignait 3 milliards d’euros en 2021. On estime qu’il devrait atteindre les 25 milliards en 2025 ! Les enjeux financiers sont colossaux.
Ce succès est dû aux nombreuses vertus que l’on prête au CBD. Il aurait un pouvoir antioxydant et anti-inflammatoire, des effets anxiolytiques, antinausées et antidouleurs. Il serait un bon décontractant musculaire et soulagerait l’arthrite. Il aurait des propriétés antibactériennes et antifongiques. Il serait neuroprotecteur et antipsychotique. D’aucuns lui prêtent même une action antitumorale…Toutes ces allégations ont fait ou font encore l’objet d’un nombre croissant de recherches et d’études scientifiques, plus ou moins bien menées, un peu partout dans le monde. Le CBD serait-il la nouvelle panacée ?
"Il faut garder un esprit critique et rester prudent, tempère le Pr Nicolas Authier, psychiatre et pharmacologue au CHU de Clermont-Ferrand et spécialiste du CBD à usage médical. À l’heure actuelle, l’efficacité du CBD a été démontrée dans seulement deux indications médicales : pour traiter certaines formes sévères d’épilepsie chez l’enfant et pour diminuer la spasticité, un symptôme fréquent de la sclérose en plaques. " Deux médicaments – sur prescription médicale – sont d’ailleurs autorisés sur le marché belge pour ces indications : Epidiolex©, un traitement à base d’huile de CBD, et Sativex©, qui combine du CBD et du THC. Il est également possible, pour un médecin, de prescrire une préparation magistrale – c’est-à-dire préparée "sur-mesure" en pharmacie – à base de CBD, sous certaines conditions strictes.
Outre les indications médicales évoquées ci-dessus, toutes les autres vertus que l’on prête au cannabis en général et au cannabidiol en particulier relèvent d’hypothèses actuellement non démontrées. "Cela ne signifie pas (forcément) qu’il n’en a pas, poursuit le Pr Authier. Des milliers de consommateurs et consommatrices à travers le monde rapportent les bienfaits du CBD sur, par exemple, leur sommeil, leur anxiété, leurs douleurs chroniques, leur eczéma, leur psoriasis, etc. Mais quand nous tentons d’évaluer objectivement ces effets dans une démarche rigoureusement scientifique, les résultats sont souvent plus nuancés que les témoignages individuels et le discours marketing… quand ils ne les contredisent carrément pas !"
L’une des grandes difficultés auxquelles se heurte la communauté scientifique a trait aux mécanismes – au pluriel – d’action du CBD. Ils ne sont pas tous clairement élucidés ni même compris. Certes, nous savons que certaines cellules de notre corps possèdent des récepteurs cannabinoïdes sur lesquels va se fixer le CBD – comme une clé dans une serrure. Mais le CBD se lie aussi à des dizaines d’autres récepteurs, ce qui pourrait inhiber ou (sur)activer certains mécanismes physiologiques. "Les discours marketing autour du CBD ont tendance à simplifier les choses à l’extrême, estime le Pr Authier. Or, la vérité est que le CBD intervient dans plusieurs systèmes complexes, qui interagissent les uns avec les autres et donnent lieu à des réactions en cascade. Comment le CBD agit-il vraiment sur le corps ? À quel niveau?Dans quelle mesure ? Pour quels résultats ?Des années de recherches seront encore nécessaires avant de pouvoir répondre à ces questions… "
En dehors des médicaments ou préparations pharmaceutiques, la qualité des produits vendus dans le commerce n'est pas toujours non plus au rendez-vous. "Il ya beaucoup d’arnaques dans certains CBD shops et sur internet, notamment concernant la concentration réelle en cannabidiol d’un produit", avertit le Pr Authier. Autre difficulté : le dosage. À concentration égale, la façon et la forme sous laquelle le CBD est absorbé influencent fortement la quantité effectivement assimilée par l’organisme. De fait, il existe trois voies d’administration.
Comme n’importe quelle substance active, le CBD est susceptible de provoquer des effets indésirables. La diarrhée, la perte d’appétit et la somnolence sont les plus fréquentes. "Rien de bien méchant, surtout si vous ne dépassez pas les doses raisonnables (50 mg de CBD par jour)", commente toutefois le Pr Authier. Mais prudence si vous suivez d'autres traitements ! Le CBD peut accélérer ou ralentir l’élimination par le corps de certains antiépileptiques, anticancéreux, anticoagulants, etc. Ce qui peut diminuer leur efficacité ou, à l’inverse, augmenter le risque d’effets secondaires indésirables. Et vice-versa : des produits comme le millepertuis, par exemple, retardent ou accélèrent l’élimination du CBD par le foie. Raison pour laquelle il est préférable de demander conseil à son médecin.
Bonne question ! Et la réponse n’est pas simple. Car trois logiques s’affrontent :
Sources : SPF Santé publique et AFMPS
(1) Si la dépendance physique au cannabis sativa–causant des symptômes de sevrage à l’arrêt – est quelque peu débattue, il y a consensus pour reconnaitre la dépendance psychologique que la consommation régulière de marijuana peut induire.