Droits du patient
Une femme a plus de risque de mourir d’une maladie cardiovasculaire que d’un cancer du sein. Pourtant ce risque reste sous-estimé, avec des conséquences sur le diagnostic et la prise en charge.
Publié le: 02 octobre 2023
Par: Julie Luong
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Photo: © Adobe Stock - Le poids des inégalités de genre sur le niveau de stress des femmes pèse sur leur santé cardiovasculaire
Les maladies cardiovasculaires sont aujourd’hui la première cause de mortalité chez les femmes, soit 42 % des décès en Europe, contre 27 % pour les cancers. Par ailleurs, au cours des 15 dernières années, le pourcentage de femmes de moins de 50 ans victimes d’un infarctus a triplé (source : ligue cardiologique belge).
Pourtant, que ce soit du côté de la population ou des soignants, le risque cardiovasculaire reste très largement sous-estimé chez les femmes, rappelle le Dr Muriel Sprynger, cardiologue au CHU de Liège. L’idée persiste que les femmes sont protégées par leurs hormones. C’est vrai en partie mais aujourd’hui, les femmes vivent plus longtemps et déclarent leur maladie cardiovasculaire plus tard, à un moment où ces hormones ne les protègent plus." Le diagnostic a donc tendance à se faire plus tardivement, à une période où des comorbidités telles que le surpoids, le diabète, l’hypertension s’installent.
Par ailleurs, la maladie cardiovasculaire ne se manifeste pas par les mêmes symptômes. "On parle toujours de la douleur dans le bras gauche qui irradie dans la mâchoire, mais chez la femme, ça peut être davantage une fatigue à l’effort, la sensation d’avoir mal digéré..."
"Quand une femme va chez le cardiologue, on lui pose des questions sur son hypertension et son cholestérol mais il est rare qu’on lui demande si elle a eu des grossesses et comment ça s’est passé. Or, une femme qui fait de l’hypertension ou du diabète pendant sa grossesse garde un risque plus élevé et précoce de maladies cardiovasculaires – même si ces facteurs se normalisent après l’accouchement", rappelle le Dr Muriel Sprynger. La ménopause précoce, les ovaires micropolykystiques sont aussi des facteurs de risque, tout comme certaines maladies auto-immunes plus fréquentes chez les femmes comme la polyarthrite rhumatoïde. Idem pour certaines contraceptions orales et traitements hormonaux post-ménopausiques.
Le Dr Muriel Sprynger souligne aussi le poids des inégalités de genre sur le niveau de stress des femmes et donc sur leur santé cardiovasculaire. "Beaucoup de femmes subissent des conditions de vie socio-économiques précaires mais aussi de la violence, qui sont des facteurs de stress importants. À cela, ajoutons que les femmes ont souvent tendance à s’occuper davantage des autres que d’elles-mêmes."
Même quand le diagnostic est établi, les femmes restent moins bien traitées, poursuit le Dr Muriel Sprynger. "Peut-être parce que les médecins les traitent moins bien, et peut-être aussi parce que les femmes se prennent moins bien en charge." Il est ainsi établi que les femmes suivent moins les programmes de revalidation cardiaque, dont les bénéfices sont pourtant majeurs. Par ailleurs, les traitements médicamenteux, testés sur des hommes en majorité, auraient tendance à provoquer plus d’effets secondaires chez les femmes.
En 2021, les femmes ont eu trois fois moins de reperfusions myocardiques (après un infarctus) que les hommes, comme le souligne une récente étude de la MC. Outre le sous-diagnostic, cela pourrait s’expliquer par le fait que certains professionnels de la santé évitent "de faire appel aux traitements invasifs pour des raisons de ‘sexisme bienveillant’, car ces traitements seraient considérés comme très lourds pour les femmes tout en étant en même temps prescrits pour les hommes". Bien sûr, dans certains cas, ces choix se justifient. "Si on met un stent ou si on fait un pontage à une femme, elle a plus de risques de complications que pour un homme car ses artères sont plus petites", précise le Dr Muriel Sprynger. Mais là encore, on peut se demander si des recherches dédiées ne permettraient pas de développer des techniques plus adaptées au corps des femmes.