Soins de santé
Quand on parle de pollution, on pense en premier lieu au smog des grandes villes, aux émanations industrielles ou aux décharges à ciel ouvert, bref à l'extérieur. Pourtant, nos intérieurs peuvent aussi être pollués. Quelques précautions élémentaires permettent de réduire les risques.
Publié le: 25 janvier 2023
Par: Aurelia Jane Lee
7 min
Photo: © AdobeStock
Les sources de pollution dans la maison sont multiples : produits chimiques émis par les matériaux d'aménagement (peintures, colles, vernis, enduits…), produits de nettoyage, désodorisants, résidus de combustion, fumée de cigarette… etc. À partir de quand ces substances représentent-elles un risque pour la santé ? C'est une question complexe, avertit Étienne Delooz biologiste, éco-conseiller et responsable de projet Santé-Habitat chez Espace Environnement : "Pour toute substance, il existe un seuil au-dessus duquel elle peut générer un problème de santé. C'est le cas même pour l'eau si vous en ingérez d’énormes quantités !"
En vertu du principe selon lequel c’est la dose qui fait le poison, des normes d’usage sont établies qui précisent les quantités ou les concentrations à ne pas dépasser. "On a tendance à considérer que ces normes suffisent à nous protéger, mais ce n'est pas si simple, précise toutefois Étienne Delooz. Car même à petite dose, certaines substances peuvent générer des soucis de santé si l'on y est exposé durablement." Ce facteur temps peut induire des problèmes de santé plus diffus et plus difficiles à isoler. Une substance peut être inoffensive de manière isolée, mais devenir nocive quand elle se mélange à d’autres. "Et ce cocktail, lorsqu'il pénètre l'organisme, peut à son tour subir des modifications. Le foie transforme ces molécules en métabolites, qui vont peut-être se recombiner avec d'autres… Bref, c'est une problématique très complexe."
Les polluants domestiques contiennent aussi souvent des perturbateurs endocriniens. Parce que la structure de ces molécules ressemble à celle de nos hormones, ces substances peuvent perturber l’organisme humain même à très faible dose. Présents notamment dans certains plastiques (bisphénol), des contenants alimentaires, des cosmétiques (parabènes, phtalates…), mais aussi des peintures, des textiles et des appareils ménagers, ils sont fortement soupçonnés de causer cancers, problèmes de fertilité, maladies auto-immunes, malformations… qui ne se développent parfois que chez la génération suivante, par transmission génétique ! (1)
Tous les matériaux vendus en Belgique doivent répondre à des critères de qualité en termes d'émissions, gérés au niveau fédéral (par le SPF). C'est le cas des revêtements de sol, et bientôt également des revêtements de mur et d'autres surfaces. Au-delà de ces normes, il n’existe pas, en revanche, de système de labélisation comme en France, ou des codes couleurs sont attribués aux produits en fonction de leurs émissions de COV (composés organiques volatils — NDLR). "Le système français laisse le choix au consommateur, qui peut opter pour un appareil de catégorie D ou E, en fonction de son budget et de ses exigences. En Belgique, ce n'est pas possible, commente Étienne Delooz. La santé des consommateurs est ainsi mieux protégée."
Ce qui n'empêche pas d'être attentif à la qualité des matériaux, ainsi qu'à leur impact environnemental lorsque l'on construit ou l’on rénove un bâtiment. "Si vous prenez un revêtement plastique, il faut songer que le jour où vous l'enlèverez, il ne pourra pas être recyclé. Il ira directement à la poubelle", rappelle Étienne Delooz, qui conseille de se tourner vers des matériaux naturels, plus intéressants car généralement moins émissifs. "En outre, dans leur cycle de vie, ces matériaux nécessitent souvent moins d'énergie au départ, alors que la fabrication de matières synthétiques émet plus de polluants dans l'atmosphère."
Les matériaux de seconde main peuvent être intéressants aussi, ajoute l'éco-conseiller, parce qu'ils ont déjà relâché leurs polluants. De plus, cela leur offre une seconde vie. Il faut toutefois se méfier, tempère-t-il, lorsqu'on remet en circulation des composants ou du mobilier qui répondaient à des critères de qualité d'il y a 20 ans, qui ont peut-être évolué depuis. Et éviter aussi de recycler un matériau qui n'était pas destiné a priori à cet usage : "Faire son plancher avec des briquettes réalisées à partir de ballasts de chemin de fer, ce n'est pas une bonne idée !"
Que l'on puisse polluer en nettoyant semble paradoxal. Pourtant, les produits d'entretien sont aussi une source potentielle de pollution intérieure. Étienne Delooz recommande d'opter pour des produits écologiques, ou de les fabriquer soi-même — mais pas n'importe comment.
Pour briquer son intérieur, rien de tel que les "basiques" : vinaigre, bicarbonate de soude… "Cela ne veut pas dire que ces produits ne sont pas agressifs, précise le biologiste, mais bien qu'ils vont pouvoir se dégrader dans l'environnement sans laisser de résidus. Si vous utilisez des cristaux de soude pour faire la vaisselle ou nettoyer vos sols, mieux vaut porter des gants, car c'est très irritant et dégraissant." Naturel ne signifie donc pas sans risque ! Tout produit doit être utilisé en connaissance et manipulé avec précaution.
Sinon, un torchon, de l'eau, et le savon le plus simple possible, cela fonctionne aussi ! On a le choix entre le savon noir (savon à base d’huile végétale et de potasse caustique, généralement mou, de couleur vert sombre tirant parfois sur le brun — NDLR) ou un savon blanc sans odeur. "Ce savon-là, en termes d'impact sur la santé, est neutre et ne va pas irriter, assure Étienne Delooz. On peut néanmoins s'inquiéter de son impact écologique, du fait qu'il contient de l'huile de palme… On sait que c'est une culture destructrice pour la forêt primaire ; de plus, cette huile est produite à l'autre bout de la planète. Il existe d’autres solutions, du savon à base d'huile d’olive ou de lin, par exemple." (2)
Ces savons simples dégagent une petite odeur de frais, qui leur est inhérente. Elle ne provient pas de parfums ajoutés. "On a l'impression que pour que la maison soit propre, elle doit sentir bon. Mais le propre ne sent pas ! Parfumer sa maison, c'est un choix personnel."
Allumer un peu d'encens, une bougie par fumée, brancher un diffuseur… Rien de tel, se dit-on, pour faire partir les mauvaises odeurs. Or, c'est une erreur : ces produits ne font que participer à la pollution générale. "Si vous placez une assiette de porcelaine au-dessus d'une bougie, vous verrez qu'elle noircit. C'est le problème des systèmes à combustion (dès qu'une flamme orange apparait), explique Étienne Delooz. En plus de l'eau et du gaz carbonique, ils dégagent des résidus." Les diffuseurs sans combustion ne font guère mieux, car pour créer une senteur particulière, il faut mélanger un nombre considérable de substances différentes. Ce sont donc des cocktails chimiques.
Quant aux huiles essentielles pour parfumer l'intérieur, le biologiste ne les recommande pas. "Ces produits sont initialement destinés à l'aromathérapie, rappelle-t-il. Il ne faut pas les utiliser juste pour le fait qu'elles sentent bon. Et toujours bien s'informer avant. L'huile de men the poivrée, par exemple, est tout de même reconnue comme abortive ! La cannelle est allergisante, le citron aussi dans une moindre mesure. Je ne suis pas contre les huiles essentielles, mais il ne faut pas les utiliser n'importe où, n'importe comment ni avec n'importe qui. S'il y a des enfants en bas âge dans la maison par exemple, c'est à exclure."
"Si vous voulez désodoriser, aérez, nettoyez ! insiste l'éco-conseiller. Pourquoi parfumer ? Pourquoi met-on de l'adoucissant dans la lessive ? Parce que cela rend le linge plus doux et sent bon ! Mais c'est comme une sorte d’agent plastifiant qui se dépose sur vos essuies et finalement les rend moins absorbants."
Un environnement de vie sain, ce n'est pas non plus une maison aseptisée. La désinfection domestique n'est pas recommandée, sauf avis médical. "Même pendant la pandémie, le SPF ne la recommandait pas, sauf cas avéré de Covid dans la maison." Même en cas de gastro-entérite, les médecins recommandent de se laver soigneusement des mains et d'éviter les con tacts, sans plus. "Pas besoin de s'affoler et de verser 5 litres d'eau de Javel dans les toilettes", s'exclame Étienne Delooz.
Pour l’entretien quotidien des toilettes, ce qui importe, c'est d'empêcher les bactéries de s'installer, et pour cela, le vinaigre est la meilleure solution. "En éliminant le calcaire, vous attaquez le support sur lequel elles se développent. Du même coup, vous éliminez les odeurs." Afin de lutter contre les effluves désagréables, le bicarbonate de soude est également efficace. Il suffit d'en placer dans une coupelle à proximité (à renouveler tous les deux mois) : il absorbe les odeurs d'origine organique. Et cela marche aussi dans le frigo !
Qu'il s'agisse des matériaux d'ameublement, des produits d'entretien, des vêtements ou des cosmétiques, c'est finalement la simplicité qui se révèle la meilleure piste d'action pour éviter les pollutions domestiques.
>> En savoir plus : Consultez la brochure "Remue-ménage"