Santé mentale

Burn-out : comment éviter la rechute ?

Quand et comment bien reprendre le travail après un burn-out ? La question est cruciale ! Car il ne suffit pas de s’être reposé et d’avoir retrouvé un peu d’énergie. Sans une réflexion en profondeur sur ce qui a mené à l’épuisement professionnel, la rechute est assurée…  

Publié le: 02 février 2023

Mis à jour le: 18 septembre 2024

Par: Candice Leblanc

8 min

illustration homme qui regarde dans un tunnel

Photo: © Céline Bailleux - Illustration tirée de "Le burn-out, comment le prévenir ou en sortir?"

Christian était pourtant confiant. Après quatre mois d’arrêt-maladie, cet infirmier-chef dans un hôpital wallon estimait être assez reposé. Chez lui, il tournait en rond. Son travail et ses collègues lui manquaient et il s’en voulait de "les avoir laissés en plan ; cette pandémie, elle nous a tous mis à genoux… Et une paire de bras en moins dans le service, ça se sent !" Contre l’avis de son médecin, Christian est donc retourné au travail… trois jours. Il n’en a guère fallu plus pour que tout recommence : angoisses, insomnie, impression d’être dépassé par ses émotions, de ne plus rien gérer, fatigue disproportionnée…  Retour à la case départ ?

La rechute, une étape nécessaire ?

"La rechute est très fréquente dans le burn-out, commente Barbara Delbrouck, journaliste santé et autrice d’un livre sur le sujet (voir encadré). C’est une étape neurophysiologique normale, qui fait partie du processus de guérison. Car, même si la personne a identifié ses facteurs de vulnérabilité, elle ne les a pas encore intégrés par l’expérience. Il faut souvent répéter des comportements ou situations problématiques et, ainsi, rechuter pour que le cerveau les reconnaisse pleinement, les accepte et les intègre à long terme."

Bien des personnes en burn-out commettent l’erreur de reprendre le travail trop tôt. Certaines, comme Christophe, culpabilisent d’avoir laissé leurs collègues, clients et/ou employeur dans l’embarras. Parfois, c’est la situation financière et/ou administrative – un statut d’indépendant, par exemple – qui ne permet pas de rester le temps nécessaire en arrêt-maladie. L’entourage peut aussi exercer une certaine pression, surtout quand la personne commence à aller mieux. "Grâce à la période de récupération, la fatigue chronique accumulée pendant des années se résorbe petit à petit, poursuit Barbara Delbrouck. Ce premier regain d’énergie est une période délicate, car la personne a de nouveau envie de faire des choses et peut se croire 'sortie d’affaire'. Or, à ce stade, il est souvent trop tôt. Le travail de réflexion sur les causes qui l’ont menée au burn-out n’est pas assez avancé."   

Des facteurs externes difficiles à modifier

Plusieurs facteurs favorisent et le burn-out et la rechute. Certains concernent l’environnement professionnel : surcharge de travail, problèmes organisationnels, conflits avec la hiérarchie et/ou des collègues, harcèlement, statut précaire, conflit de valeurs avec l’entreprise, etc. "Ces facteurs externes sont compliqués à modifier ; souvent, la personne n’a aucune prise dessus. Or, revenir dans les conditions exactes qui l’ont fait partir, c’est la rechute assurée !"

Il y a des facteurs sociétaux, aussi : la connexion numérique croissante, par exemple, qui a rendu poreuse la frontière entre vie professionnelle et vie privée. Mais il y a un autre paramètre qui intervient dans le processus de guérison du burn-out :  le travail sur ses facteurs de risque personnels. 

Identifier ses propres vulnérabilités

Tout le monde n’est pas égal devant le risque de burn-out. Certaines professions – souvent des métiers de vocation, où le rapport à autrui est central – sont notoirement plus exposées à l’épuisement professionnel : les soins de santé, l’enseignement, le secteur associatif, etc. Mais des traits de caractère ou des comportements font  également  le lit du burn-out. "Le déni de ses inconforts, ne pas s’écouter, une tendance à l’hyperactivité et/ou à la multiplication des activités (professionnelles ou privées), le perfectionnisme ou encore une difficulté à dire 'non' et à poser ses limites sont autant de facteurs personnels de vulnérabilité, explique Barbara Delbrouck. Il est essentiel de les identifier, de les reconnaitre, de les analyser et, le cas échéant, de les corriger avant de reprendre une activité professionnelle. Cette phase d’introspection est tout aussi importante que la récupération (1). La personne ne peut pas en faire l’économie !" Tout comme pour une maladie classique, s’il faut, dans un premier temps, traiter les symptômes et se reposer, dans un second temps, c’est en identifiant et en agissant sur les causes que l’on peut se rétablir. 

Les conditions d’une “bonne” reprise

Une fois ce travail de réflexion accompli, la reprise du travail se prépare en amont, de façon réfléchie, stratégique et résolument préventive. Les burn-outs les plus sévères se traduisent par de longs arrêts de travail : un ou deux ans, parfois plus. Entretemps, l’entreprise peut avoir changé : nouveaux marchés, nouveaux outils de travail, nouveaux collègues, etc. Il est parfois utile de faire un bilan de compétences ou de suivre l’une ou l’autre formation pour se remettre à niveau.

La reprise doit aussi être progressive, tant en termes de temps de travail – en commençant par un mi-temps thérapeutique, par exemple – que de rythme. "Évitez de recommencer à plein régime ! conseille l’autrice de "Le burn-out, comment le prévenir ou en sortir ?". Ne prenez pas d’emblée les plus gros dossiers : recommencez doucement, par des tâches et missions plus simples. Osez les mesures transitoires, par exemple en demandant de travailler (temporairement) dans un service ou une fonction moins exigeante, avec moins de responsabilités. Si vous êtes entre deux jobs, pourquoi ne pas envisager un emploi un peu moins prenant que le précédent, ne serait-ce que pendant quelques mois ? Et, bien sûr, continuez à voir votre thérapeute régulièrement, afin de faire le point et détecter les indices de surchauffe." 

Gare à la surchauffe !

Tout comme les facteurs de vulnérabilité, les indices de surchauffe sont propres à chaque individu. Il s’agit de symptômes, de signaux d’alerte par lesquels notre corps et notre esprit nous indiquent que nous tirons sur la corde : une fatigue disproportionnée par rapport au niveau d’activités, des émotions trop intenses ou inappropriées, une accélération du rythme des pensées et des actions, des maux de tête, des douleurs articulaires ou musculaires, des troubles de la concentration, de la mémoire et/ou du sommeil, un manque d’enthousiasme, une humeur maussade, pessimiste… "En cas de signes de surchauffe, il faut tout de suite lever le pied, recadrer et corriger ce qui doit l’être… sous peine de rechuter complètement et d’être à nouveau arrêté pendant une durée indéterminée."

Après le burn-out

Si rechute il y a, il faut l’analyser en profondeur avec le thérapeute et identifier ce que l’on n’a pas (assez) mis en place. Si les facteurs de risque sont liés à l’environnement de travail et qu’il n’est pas possible de les modifier, alors il faut oser se poser la question : est-il encore possible et souhaitable de rester dans cette entreprise, d’exercer ce travail, de mener cette carrière-là ? "Tout le monde n’a pas la possibilité d’avoir une vie professionnelle épanouissante, reconnait Barbara Delbrouck. Dès lors, il est important de trouver une source d’épanouissement, de valorisation et de reconnaissance, en dehors du travail. Même si elles peuvent être inconfortables, ces réflexions sont essentielles. Car il y a un avant et après le burn-out : la personne ne pourra plus faire comme avant, nier ses inconforts, brûler son énergie par les deux bouts, car son corps la rappellera à l’ordre, encore et encore ! Mais une fois ses limites comprises, acceptées et posées, et après une phase d’adaptation, surmonter un burn-out est une chance de vivre plus sereinement, plus en accord avec ses valeurs, ses besoins et ses aspirations profondes. Et ça, en fin de compte, c’est une très bonne chose !"