Soins de santé
Rester assis trop longtemps favorise les maladies chroniques et les décès prématurés. Le risque augmente particulièrement à partir de 6 à 7 heures quotidiennes dans cette position. Des données qui incitent à saisir toutes les occasions de se lever !
Publié le: 23 octobre 2024
Par: Julie Luong
6 min
Photo : (c)AdobeStock // Le Belge de plus de 15 ans passe en moyenne 6 heures par jour en position assise. Une bombe à retardement !
Quand on veut être en bonne santé, il faut bouger. Selon les recommandations de l’OMS, les adultes devraient pratiquer au moins 150 minutes d’activité d’intensité modérée par semaine (par exemple au moins 30 minutes de marche par jour) ou 60 minutes d’activité d’intensité intense (course à pied, fitness, natation, etc.). Néanmoins, les données récentes montrent que faire de l’exercice physique ne suffit pas à préserver sa santé – et en particulier sa santé cardiovasculaire : encore faut-il ne pas rester assis toute la journée ! "On peut être à la fois actif et sédentaire, détaille Vitalie Faoro, professeure à la faculté des sciences de la mobilité à l’ULB. Aujourd’hui, nous avons des études longitudinales qui ont bien montré qu’on doit distinguer ces deux facteurs."
Dès les années 50, un épidémiologiste britannique, Jeremy Morris, avait relevé la différence frappante entre la santé des chauffeurs et celle des contrôleurs travaillant dans les "double-deckers", les fameux bus rouges de Londres. Non seulement les infarctus étaient deux fois moins fréquents parmi les contrôleurs – qui montaient et descendaient chaque jour 500 à 750 marches – mais ils étaient aussi moins mortels. "Dans les années 80, d’autres études ont montré que le risque cardiovasculaire augmentait dès 3 heures quotidiennes passées assis devant un écran", poursuit Vitalie Faoro. Pour chaque heure supplémentaire, le risque augmente en moyenne de 18 %. Après 6 ou 7 heures de sédentarité quotidienne, ce risque devient significatif. En 2017, une autre étude réalisée auprès de quelque 8.000 personnes de plus de 45 ans soulignait aussi l'importance de faire des pauses régulières : ce sont les personnes à la fois très sédentaires (≥12,5 h par jour) et durant de longues périodes ininterrompues qui courent le risque de mortalité le plus élevé.
Or, selon l’Enquête de Santé 2018, le Belge de plus de 15 ans passe en moyenne 6 heures par jour en position assise. Une sédentarité que le sport peut en partie compenser, mais pas aussi aisément qu’on ne pourrait le croire... "Les sportifs qui font 7 heures d’écran par jour ont un risque quasi équivalent à des personnes qui ne pratiquent pas de sport, mais qui ne sont jamais devant un écran non plus", compare Vitalie Faoro. En d'autres termes, une heure de sport pourrait contrebalancer 7 heures passées devant un écran. Mais les personnes qui présentent le risque cardiovasculaire le plus faible sont celles qui font du sport... tout en passant peu de temps assis devant l’ordi ou la télé.
Vitalie Faoro
Diminuer son "temps assis " est aujourd’hui considéré comme une priorité de santé publique. En 2008, l’OMS a déclaré la sédentarité comme un facteur de risque indépendant et majeur de maladies non transmissibles et comme la quatrième cause de décès prématuré dans le monde. Elle est aussi vue comme le premier facteur de risque modifiable, devant le tabagisme. "On recense une quinzaine de maladies liées à la position assise : maladies cardiovasculaires, diabète, problèmes rénaux, mais aussi certains cancers comme ceux du côlon ou du sein par exemple ", poursuit Vitalie Faoro.
Plusieurs facteurs expliquent cette nocivité de la position assise. "Premièrement, la sédentarité implique une faible activité des muscles, donc une dépense énergétique réduite et une accumulation de lipides. Or l’obésité et le diabète de type 2 sont des facteurs de risque cardiovasculaire, détaille la spécialiste. Deuxièmement, la sédentarité endommage nos artères, car, en position assise, le cœur pompe très peu. La position elle-même comprime certains organes comme le côlon. Troisièmement, la sédentarité a un impact sur le système nerveux. On a tendance à être plus tendu, plus stressé, ce qui peut favoriser les maladies cardiovasculaires."
Par ailleurs, la position assise accélère la dégradation des articulations, donc l’arthrose et les troubles musculosquelettiques. Moins sollicités, les muscles perdent également de leur volume et de leur élasticité. "Il y a un effet de cercle vicieux, alerte Vitalie Faoro. Assis derrière un écran, on sous-sollicite certains muscles, mais on en sursollicite d’autres, par exemple ceux qui referment la cage thoracique. Un travailleur qui va poser ses coudes sur son bureau sollicitera moins ses muscles paravertébraux (qui se trouvent le long de la colonne), essentiels à la structure ostéoarticulaire. Or un muscle sous-sollicité devient plus 'coûteux' à l’effort : sur le long terme, ce travailleur aura donc tendance à moins bouger..."
• Choisir une chaise normale et non à roulettes pour son bureau
• Se lever pour passer ses appels
• Aller trouver ses collègues plutôt que de leur téléphoner ou de leur écrire un mail
• Se procurer un pédalier pour mettre sous le bureau
• Adopter le bureau assis-debout, qui permet de changer de position au cours de la journée
• Installer un podomètre sur son smartphone et essayer d’atteindre 7.000 à 10.000 pas par jour
• Proposer à ses amis de discuter en marchant plutôt qu’autour d’un verre
• Prendre systématiquement les escaliers plutôt que l’ascenseur
• Descendre du bus un arrêt plus tôt
Vitalie Faoro
Homo smartphonicus
Bien sûr, nos modes de vie modernes, organisés autour des écrans et des transports motorisés, encouragent cette position. Pourtant, "nous ne sommes pas faits pour rester assis", résume Vitalie Faoro. "Depuis la révolution industrielle et encore davantage depuis la révolution technologique et l’ère de l’'homo smartphonicus', nous avons diminué en moyenne de moitié nos dépenses énergétiques... " Notre organisme, lui, continue à fonctionner peu ou prou comme au temps de la chasse et de la cueillette, lorsqu’il lui fallait stocker de l’énergie "au cas où" la nourriture viendrait à manquer... Évidemment, il ne s’agit pas de bannir la position assise de notre vie. Dans toutes les sociétés, on s’assoit pour prendre les repas, raconter des histoires, etc. Le problème, c’est la quantité de temps que nous passons dans cette position... et ce que nous y faisons ! "Les études montrent que la position assise derrière les écrans est plus nocive que la position assise si l’on est en train de lire, car lire apporte de l’évasion, de la quiétude, indique Vitalie Faoro. Les stimulations nerveuses sont beaucoup plus contrôlées, plus stables, moins 'toxiques'. "
Mais voilà, comme l’ont pointé certains experts, aujourd’hui, nous sommes nombreux à être tout simplement "addicts" à la position assise : "Nous sommes conditionnés à trouver cette position confortable, rassurante, en particulier quand on est dans un état de fatigue cérébral et qu’on se sent plus vulnérable", commente la spécialiste. Voilà pourquoi, même après une journée de bureau, de nombreux travailleurs ne rêvent que d’une chose : trouver une place assise dans le train puis se lover dans leur canapé... Une "addiction" qui cache parfois des affects dépressifs ou anxieux. "L’état dépressif pousse, de manière animale, à se mettre en retrait et à observer, ajoute encore Vitalie Faoro. On perd le goût de prendre des risques par rapport au monde qui nous entoure. La position assise est d’ailleurs assez similaire à la position fœtale : c’est une position très archaïque." Or on sait que l’activité physique a prouvé son efficacité pour lutter contre les dépressions légères à modérées... Là encore, il s’agit donc de briser le cercle vicieux. En commençant par se mettre debout.