Santé

Sport sur ordonnance : bouger pour se soigner

Véritable "médicament", l’activité physique (adaptée) apporte de réels bienfaits sur de nombreuses maladies chroniques. À tel point que certains médecins en prescrivent...  

Publié le: 20 février 2025

Mis à jour le: 27 février 2025

Par: Barbara Delbrouck

8 min

Une dame avec une maladie chronique fait de l'activité physique adaptée

Photo: © Adobe Stock // L'activité physique adaptée donne de très bons résultats pour les patients souffrant d'hypertension, de diabète ou de surpoids. Ou encore en cas d'anxiété ou de dépression.

Sport sur ordonnance

Le Dr Natan Ruiz Legrain consulte à la maison médicale de Houyet, près de Dinant. Depuis quelques mois, en plus de ses ordonnances classiques, le jeune médecin utilise des prescriptions hors du commun... intitulées "sport sur ordonnance". Avec celles-ci, les patients ne doivent pas se rendre à la pharmacie mais dans un centre sportif. Pas question ici de faire n'importe quoi dans un club de fitness. Il s'agit d'activité physique modérée, adaptée à leur pathologie et leurs capacités. Et encadrée par des moniteurs diplômés, formés à la "médecine par l'exercice" (voir encadré).  
"Au début, quand j'évoque l'idée de leur prescrire de l'activité physique plutôt qu'un médicament, les patients me regardent souvent comme si j’étais fou, raconte le Dr Ruiz Legrain. Mais quand je leur explique tous les bienfaits que ça peut leur apporter au niveau de la gestion de leur maladie et leur qualité de vie, ils sont assez réceptifs. Cela fonctionne très bien avec les patients souffrant d'hypertension, de diabète ou en surpoids. Ou encore les personnes anxieuses ou dépressives". S'ils sont partants, les patients s'engagent pour un cycle de 3 mois en groupe, une fois par semaine. "Quelques mois plus tard, les gens sont métamorphosés, confie avec enthousiasme le Dr Ruiz Legrain. Certains patients qui n'étaient pas capables de monter l'escalier jusqu'à mon cabinet viennent à présent sans effort. J’ai des patients hypertendus ou diabétiques chez qui je peux réduire les doses de médicaments... Il y a aussi un grand bénéfice psychologique et social. Des personnes auparavant assez isolées continuent à faire du sport ensemble après la fin du programme."  

Un cadre non médical sécurisé  

Ces prescriptions originales proviennent de l'asbl "Sport sur ordonnance" (soutenue par l'AVIQ), qui œuvre à développer ce dispositif dans un maximum de communes wallonnes. Le concept : un partenariat entre la commune, qui soutient et coordonne le projet avec un centre sportif, des moniteurs formés à l’activité physique adaptée (APA) ; et les médecins de la région, sensibilisés à prescrire de l'exercice à leurs patients. À la clé, des séances abordables financièrement et sécurisées. Le fait de pouvoir renvoyer vers une structure où il saura que les exercices sont adaptés à la condition du patient est rassurant pour les médecins. De même pour les patients, qui ont souvent peur de se blesser ou qu’on leur en demande trop. Pour participer au programme, il faut avoir une pathologie stabilisée et répondre à certains prérequis tels qu’être capable de marcher 30 minutes. Si ce n’est pas le cas, le médecin peut d’abord prescrire des séances de revalidation chez un kiné. "Cette formule offre un entre-deux entre la revalidation physique dans un cadre médical et l'arrivée dans un centre sportif classique", souligne Benoit Massart, président de l'asbl. Sur la prescription, le médecin indique, avec l’accord du patient, la pathologie et les éventuelles précautions. L’asbl a créé des fiches techniques par pathologie à destination des médecins et des moniteurs et elle donne des formations et ateliers aux professionnels de la santé. "Les médecins sont conscients de l’impact bénéfique de l’exercice, mais pas forcément de son ampleur, souligne le Dr Anne Boucquiau, formatrice pour l’asbl. Il faudrait que la prescription d’exercice devienne plus systématique, qu’elle devienne un outil à part entière dans l’arsenal thérapeutique des médecins."  

Douleurs : on ne conseille plus le repos

Pionnier en la matière, le Pr Henri Nielens, professeur émérite à l'UCLouvain, spécialisé en médecine de rééducation et du sport, a commencé à prescrire il y a longtemps de l'exercice à ses patients chroniques douloureux (maux de dos, arthrose, etc.). Pendant ses études de médecine, il est surpris qu'on enseigne si peu l'intérêt de l'activité physique pour de nombreuses affections, alors que les sociétés scientifiques en parlent dès les années 90. "Le cas de l'arthrose est frappant, partage-t-il. Il y a longtemps eu cette croyance, même chez les médecins, qu'en cas de douleur liée à l'arthrose, il ne fallait plus bouger pour ne pas user d'avantage les articulations. Or, c'est tout le contraire ! Il faut rester actif car c'est le mouvement qui va contribuer à la nutrition des cartilages et freiner la maladie. Même l'impression d'être rouillé le matin s'estompe !" Aujourd'hui, les mentalités ont bien changé. On assiste à un changement de paradigme, résume l'Inserm dans un rapport d'expertise (1). Dans de nombreuses pathologies chroniques où le repos a longtemps été la règle, on sait à présent que l'activité physique n'aggrave pas mais améliore la maladie, tant qu’on respecte les recommandations. Et ses bénéfices sont d'autant plus grands qu'on l'introduit tôt. Il est même recommandé d’en prescrire avant tout traitement médicamenteux pour certaines pathologies, comme la dépression légère à modérée, le diabète de type 2, l'obésité et l'artérite des membres inférieurs. 

Retrouver le plaisir de bouger 

"Se remettre en mouvement va permettre de rester plus longtemps autonome (être capable de monter un escalier, faire ses courses...) et de continuer à profiter de la vie, notamment au 3e âge, insiste le Pr Nielens. Avec un programme d’exercice adapté, on peut vraiment améliorer la condition physique de personnes sédentaires et "déconditionnées”, assure-t-il. J'ai vu des gens qui avaient du mal à traverser un centre commercial commencer peu à peu des marches Adeps de 5 km et finir par marcher 20 km sans soucis !" La clé de succès selon lui : une activité physique vraiment adaptée à ses capacités et où on trouve du plaisir ! Ce qui aura en outre un effet positif sur les douleurs… "Cela permet de sortir de la spirale négative dans laquelle beaucoup de personnes souffrant d'une maladie chronique sont entraînées sans s’en rendre compte. Les patients ne se sentent plus bons à rien, tout juste capables de se trainer d'un fauteuil à l'autre et se replient sur eux-mêmes, ne bougent plus, ce qui aggrave leur maladie et leurs douleurs. En redevenant actifs, ils se sentent mieux dans leur corps, redéveloppent de la confiance et de l'estime de soi, se sentent revivre, retrouvent du plaisir, bougent plus… ce qui a un impact bénéfique sur leurs douleurs et leur pathologie."