
Incapacité de travail
Quand le stress s’installe durablement dans nos vies, il dérégule la production de cortisol, "l’hormone du stress", avec des conséquences délétères sur notre santé. Mais en adoptant quelques bonnes pratiques, il est possible de prévenir le phénomène.
Publié le: 11 avril 2025
Par: Julie Luong
6 min
Photo : ©AdobeStock // Le stress chronique dérègle la production de cortisol. À la clé, un impact sur la santé...
Au départ, le stress est l’expression même de notre instinct de survie. "C’est un syndrome général d’adaptation, qui permet à l’organisme de faire face à un danger qu’il soit perçu, imaginé ou rêvé", explique Ruxandra-Yvonne Popescu, psychiatre à la Clinique du stress du CHU Brugmann. Voilà pourquoi visionner un film d’horreur ou faire un cauchemar peut être aussi stressant que de se trouver véritablement en danger ! Physiologiquement, en situation de stress, le système nerveux et de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien s'activent. Cet axe implique l’hypothalamus et l’hypophyse, deux structures qui se trouvent dans le cerveau, et les glandes surrénales, qui se trouvent au-dessus de chaque rein, dans la cavité de l’abdomen : c’est cet axe qui régule la production de cortisol, l’hormone du stress. "Le stress aigu déclenche une tempête hormonale : le corps se prépare pour sa mise en action face à l’agression par l’attaque ou par la fuite ("fight or flight"), poursuit Ruxandra-Yvonne Popescu. C’est ce qu’on appelle 'le bon stress'."
En stimulant le système nerveux autonome, "l’agent stresseur" (qu’il s’agisse d’une bête sauvage, d’un dossier à rendre ou d’un conflit familial) libère des hormones qui vont permettre d’accroître notre vigilance (adrénaline, noradrénaline et dopamine). Il active aussi le système hypothalamo-hypophyso-surrénalien, qui va libérer le cortisol, hormone qui prend le relais pour maintenir la vigilance. "Le syndrome général d’adaptation comporte trois phases, détaille Ruxandra-Yvonne Popescu : la réaction d’alarme (l’activation du système nerveux autonome et de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien), le stade de résistance (si le stress se prolonge ou les agressions se multiplient) et la période de récupération post-stress."
Néanmoins, si les périodes de stress se multiplient et s’intensifient, le corps n’a pas la possibilité de récupérer correctement. Le stress devient alors chronique et potentiellement délétère pour la santé, notamment en raison de l'excès de cortisol. "Le cortisol permet normalement de résister au stress, mais lorsque cet excès de cortisol devient chronique, il peut avoir des effets négatifs sur la santé comme une prise de poids, un diabète ou des troubles de sommeil", explique Ruxandra-Yvonne Popescu.
Le cortisol joue un rôle important dans la régulation du métabolisme. Il influence la conversion des graisses, des protéines et des glucides en énergie et le rythme circadien (rythme jour/nuit). Naturellement élevé le matin pour aider au réveil, le taux de cortisol diminue ensuite jusqu’au soir pour favoriser le sommeil. Mais en cas de stress chronique, il peut rester élevé le soir ou la nuit, perturbant le repos. "Un excès chronique de cortisol diminue aussi la réponse inflammatoire et affaiblit la réponse immunitaire, avec un risque accru d’attraper des infections comme des rhumes ou d’autres virus", poursuit la psychiatre. Il est par ailleurs démontré que le stress augmente significativement le risque d’hypercholestérolémie, un facteur de risque majeur dans les maladies cardiovasculaires.
Mesurer le taux de cortisol par une prise de sang peut donner des indications sur le niveau de stress d'une personne. Mais chez certaines personnes stressées depuis longtemps, ce taux peut paradoxalement être bas. Par un effet de "feed-back négatif", l’épiphyse (glande endocrine) reçoit le signal que cette hormone est présente en excès dans le sang et qu’il faut en produire en moins. "Cela va amener à un effondrement de la production surrénalienne de cortisol", explique Ruxandra-Yvonne Popescu. C’est souvent à ce moment que survient le risque d’épuisement chronique, de dépression et de burn-out, les "batteries" de l’organisme étant en quelque sorte “à plat”. La preuve par les hormones que la sacro-sainte "résistance au stress" encore exigée par certains employeurs a ses limites... physiologiques.
Même si elle n’est pas reconnue de manière officielle dans la terminologie médicale, une forme de "dépendance au stress" est bel et bien observée par les professionnels en psychologie. Elle combine des processus à la fois psychologiques et physiologiques. "La dépendance au stress peut être décrite comme un état dans lequel une personne s’habitue à vivre dans un état constant de stress jusqu’à en ressentir une forme de satisfaction ou d’excitation", décrit Ruxandra-Yvonne Popescu.
Après avoir vécu une période de stress intense (examens, projets professionnels, concours...), certaines personnes peuvent percevoir ce stress comme une stimulation, un moteur de motivation ou de performance. "Le corps peut devenir habitué aux effets du stress comme l’adrénaline ou le cortisol et il en découle des symptômes de dépendance physiologique, détaille la spécialiste. L’adrénaline générée par le stress peut en particulier créer un sentiment d’excitation ou d’accomplissement amenant la personne à rechercher de manière inconsciente des situations stressantes."
Une personne dépendante au stress aura tendance à accumuler des tâches (procrastination) ou à s’exposer à des situations de pression constante, avec la croyance que, sans ce stress, elle ne pourrait pas être performante. "Les personnes dépendantes au stress peuvent avoir des difficultés à se détendre car elles ne savent plus comment fonctionner sans la stimulation constante du stress", résume Ruxandra-Yvonne Popescu. Pour sortir de ce schéma, il est donc nécessaire de "rééduquer" progressivement son cerveau et son organisme à trouver la motivation/le plaisir dans des habitudes plus saines.
Voici quelques pistes pour éviter que le stress et ses conséquences dommageables ne s’installent durablement dans votre vie.
1) Adopter une gestion proactive du stress : identifier les signes de stress de manière précoce (irritabilité, tensions corporelles, troubles du sommeil). Gérer le temps efficacement (apprendre à organiser ses tâches et à éviter la procrastination). Fixer des limites (apprendre à dire non et à ne pas accepter des responsabilités excessives).
2) Maintenir une alimentation équilibrée, riche en fruits, légumes, protéines maigres et oméga 3. Limiter la consommation d’alcool, de caféine, de sucre et de stimulants. Augmenter l’apport de bons nutriments (comme le magnésium, les vitamines B et le zinc).
3) Dormir suffisamment (entre 7 et 9 heures de sommeil de qualité) pour permettre au corps de se régénérer.
4) Faire de l’exercice : l’activité physique aide à réduire le taux de cortisol et favorise la production d’endorphines, les hormones du bien-être. Elle permet aussi de relâcher les tensions physiques, de renforcer la qualité du sommeil, de réduire l’anxiété et d'améliorer l’humeur.
5) S’initier à des techniques de relaxation : méditation, pleine conscience, respiration profonde, etc.
6) Entretenir des relations sociales positives : cultiver des relations de soutien (passer du temps avec ses amis, sa famille ou ses collègues), participer à des activités sociales, éviter le repli sur soi.
7) Prendre du temps pour soi : faire des pauses régulières au travail (même courtes). S’accorder des moments pour pratiquer des activités relaxantes et nourrissantes (lire, écouter de la musique, jardiner, cuisiner, etc.). Prévoir un créneau dans son planning pour pratiquer un hobby ou une activité créative.
8) Maintenir un équilibre entre le travail et la vie personnelle.
9) Développer des compétences d’adaptation positives : changer de perspective, utiliser l’humour, échanger avec des personnes de confiance pour trouver des pistes de solution à ses problèmes...
10) Ne pas hésiter à faire appel à des professionnels si besoin, comme des psychologues formés à la thérapie cognitive et comportementale (TCC), ou les cliniques du stress.