Environnement

Nos médicaments, ces polluants aquatiques

Si les médicaments ont pour vocation de soigner, quand ils se retrouvent dans nos eaux, ils peuvent devenir nocifs pour la santé et l'environnement.  

Publié le: 16 octobre 2024

Mis à jour le: 16 octobre 2024

Par: Soraya Soussi

3 min

Eaux polluées par les médicaments

Photo : ©AdobeStock - La pollution des eaux par les médicament affecte déjà notre environnement.

Analgésiques (anti-douleurs), anti-inflammatoires, antibiotiques… Les indispensables de notre pharmacie nous sauvent bien souvent la mise quand un mal de tête, de ventre ou une infection plus grave nous empêche de fonctionner. Mais lorsque ces médicaments sont éliminés par nos urines et nos selles dans les toilettes, des résidus polluent notre environnement (cours d'eau, étangs, mers, nappes phréatiques, etc.) malgré le passage des eaux usées par les stations d'épuration. Potentiellement, ces micropolluants sont aussi dangereux pour notre santé. 

Une vaste étude menée par l'Université de York en 2022 a détecté de nombreuses traces de paracétamol, de caféine, de nicotine, de médicaments contre l'épilepsie et le diabète dans les cours d'eau de 100 pays (1). Les études observent également une plus grande quantité de résidus d'antidépresseurs qui coïncide avec l’augmentation de leur consommation ces dernières années.

Les poissons trinquent 

Les études démontrent que la présence de résidus de médicaments affecte déjà la faune marine. Certaines espèces de poissons ont notamment été touchées au niveau hormonal et comportemental. Par exemple, la présence d'œstrogènes des pilules contraceptives dans les eaux féminise des poissons mâles, ce qui met en péril la survie de l'espèce concernée. D'autres animaux marins ont changé leur comportement, suite à l'absorption de résidus d'antidépresseurs. Ils se mettent, par exemple, dans des situations à risque face à des prédateurs. C’est tout un écosystème qui est déséquilibré. 

Un risque pour les humains ? 

À l’heure actuelle, aucune étude n’a encore démontré les effets néfastes sur la santé humaine des résidus pharmaceutiques à long terme. Néanmoins, de nombreux scientifiques s’accordent sur leur dangerosité potentielle : risque de perturbation endocrinienne dû à la présence d’hormones contraceptives ou d’autres types d’hormones ; interaction médicamenteuse incontrôlable dans notre organisme ; altération du système nerveux et immunitaire par la présence de particules traitant les cancers, les dépressions, le diabète, etc. 

Par ailleurs, une autre catégorie de résidus médicamenteux en particulier inquiète les experts, dont Patricia Luis Alconero, professeure en polytechnique à Louvain-la-Neuve et spécialiste des micropolluants : les antibiotiques. "Si des résidus d'antibiotiques ou d’autres substances se retrouvent dans l'environnement, cela signifie que les bactéries, virus, champignons, parasites qui y vivent vont développer une résistance à ces médicaments".  

Les laboratoires pharmaceutiques pourraient éviter de produire les molécules résistances aux processus d'épuration et ainsi, réduire drastiquement les risques de pollution.

Pr. Patricia Luis Alconero

Consommer moins et mieux  

Comment limiter les dégâts engendrés par les résidus médicamenteux de toute sorte ? Les chercheurs du monde entier planchent sur la question. Chez nous, des chercheurs du projet "Louvain4water" à Louvain-la-Neuve travaillent sur l'élaboration d'une phase supplémentaire au nettoyage des eaux usées dans les stations d'épuration (voir aussi en p. 8-9) qui consisterait à faire passer les eaux par un filtre chimique pour se débarrasser de molécules polluantes restantes. 

Pour la professeure Patricia Luis Alconero, il faudrait régler le problème à la source. "Si les scientifiques des firmes pharmaceutiques se sensibilisent aux questions sanitaires et environnementales, ils pourraient éviter de produire les molécules résistances aux processus d'épuration et ainsi, réduire drastiquement les risques de pollution."  

Sensibiliser les médecins et la population à une consommation modérée et pertinente d'anti-dépresseurs, d'antibiotiques ou d'analgésiques comme des opioïdes fait aussi partie des pistes à développer au niveau des politiques de santé publique.