Familles

Blocus : les émotions à l'examen

Réussir ses études, cela ne dépend pas que de l’intelligence et de la bonne volonté, mais aussi, beaucoup, de la capacité à gérer ses émotions. Décryptage avec Line Fischer, chargée de cours au sein de la Faculté des sciences de l’éducation et de la formation à l’UNamur. 

Publié le: 24 octobre 2023

Mis à jour le: 26 septembre 2024

Par: Julie Luong

4 min

Étudiant dans une bibliothèque

Photo: © Adobe Stock - Une activation émotionnelle trop forte positive ou négative empêche de se focaliser.

En Marche : Étudier, c’est beaucoup d’émotions ?

Line Fischer : En effet, et de différentes sortes. Il y a les émotions extérieures – des événements qui peuvent arriver pendant le blocus – mais aussi les émotions qui trouvent leur source dans l’apprentissage. On distingue 4 types d’émotions "académiques". D’abord les émotions sociales liées aux relations avec les pairs. Ainsi pendant le blocus, on peut choisir d’étudier à la bibliothèque, tous ensemble, pour éviter une confrontation à la solitude trop angoissante. Ensuite, il y a les émotions topiques ou thématiques : ce que la matière elle-même provoque comme émotions en moi (être plus ou moins attiré, dégoûté, enthousiaste). Troisièmement, on parle des émotions d’accomplissement en lien avec le fait d’être tendu vers un standard à atteindre (être stressé à l’idée de rater, fier à l’idée de réussir). Enfin, il y a les émotions épistémiques, qui naissent de la confrontation avec une nouvelle idée, avec des connaissances complexes (être curieux, surpris, confus). Je dois alors réagencer ma manière de comprendre le réel. C’est pourquoi apprendre, c’est toujours prendre un risque. 

E.M. : Le stress, ami ou ennemi ?

L.F. : De manière générale, une activation émotionnelle trop forte positive ou négative – être trop triste ou trop joyeux – empêche de se focaliser en termes d’attention, de mémoire et de concentration. Concernant le stress, chacun doit trouver sa "juste dose". Certains vont juger utile d’être stressé en blocus et d’autres, au contraire, savent que s’ils sont trop stressés, ils vont perdre tous leurs moyens. Certains ont besoin d’un stress intense pour déclencher leur action : ce sont ceux qui, 4 jours avant l’épreuve, vont arrêter de dormir et de manger. D'autres au contraire vont tellement s’auto-flageller de ne pas s’y être pris plus tôt que la culpabilité leur enlève toute ressource cognitive. 

E.M. : Le blocus, une période de souffrance nécessaire ? 

L.F. : Bien sûr, il y aura toujours de l’effort et des sacrifices. Mais il ne peut pas y avoir que ça. Au lieu d’essayer de supprimer les émotions négatives, il vaut mieux cultiver les émotions agréables qui peuvent être considérées comme un "pot compensateur" pour réguler les émotions désagréables. Par exemple, si les stats provoquent chez moi de l’anxiété, je peux décider de prévoir dans mon planning un cours qui me détend/me booste à la suite de l’étude de mon cours de stat. Prendre en compte ses émotions académiques dans sa planification du temps est une stratégie pour rester motivé et tenir le rythme ! Il faut se demander ce qui m’intéresse, ce qui me rend joyeux, comment je peux créer des supports qui me donnent envie, etc. Se constituer ce stock compensatoire d’émotions agréables – quelque chose qu’on nous apprend peu – permet d’affronter les épreuves.

E.M. : Comment être et rester motivé ?

L.F. : Les "dynamiques motivationnelles" sont très liées au sentiment d’auto-efficacité, c’est-à-dire au fait de se sentir capable d’effectuer une tâche. Ce sentiment peut être très différent d’une personne à l’autre et parfois n'entretenir aucun lien avec l’efficacité réelle. Il y a des personnes qui se surestiment ou qui se sous-estiment, cela dépend notamment des encouragements qu’on a reçus, du fait de voir d’autres personnes réussir… Si je ne me sens pas capable de traiter un gros contenu en un temps restreint avec des infos potentiellement complexes, je ne serais pas motivé et je vais mettre en place des stratégies d’autodéfense pour protéger mon estime de moi. Je vais m’y prendre trop tard ou ne pas fournir les efforts nécessaires... Le problème, c’est que si je ne joue pas le jeu, cela n’aboutit jamais à des expériences de réussite. À cet égard, la qualité de la méthode de travail est essentielle. Elle permet à l’étudiant d’avoir  du "contrôle" sur ses apprentissages, de gérer son temps et de se mettre en bonnes conditions pour oser s’engager dans les défis rencontrés.