Familles

Les parents solo, en croisade contre l'isolement

Concilier vie de famille et travail est particulièrement nécessaire, mais aussi difficile, pour les familles solo. Le projet "Relais familles mono", en Wallonie, permet de briser l’isolement dont elles souffrent en créant du lien entre elles. Reportage. 

Publié le: 27 août 2024

Mis à jour le: 29 octobre 2024

Par: Soraya Soussi

4 min

Parents solo

Photo : ©AdobeStock 10 % des ménages belges sont des familles monoparentales, dans 83 % des cas, des femmes.

Sur les rives de la Meuse à Liège, un groupe d'une dizaine de femmes s'est réuni au local de l'asbl "Vivre Sawa". L’ambiance est déjantée ! Ça discute, ça rit, ça lâche la pression du quotidien. Toutes sont mamans solo et ont participé au projet "Relais familles mono" de la Région wallonne, mené par le Centre d'appui de la Fédération des services sociaux (FDSS), en collaboration avec les mutualités et diverses associations locales. Objectif : soutenir les parents seuls à travers des ateliers créatifs et manuels, des permanences sociales et juridiques, des séances de soutien psychologique, etc. C’est aussi l'opportunité de créer un réseau social et reprendre confiance en soi. "Les ateliers d’écriture m’ont montré le potentiel que j’avais en moi. Et ici, je ne me sens jamais jugée", témoigne Martine.  

Entre vouloir et pouvoir travailler   

10 % des ménages belges sont des familles monoparentales, dans 83 % des cas, des femmes (1). Si concilier vie professionnelle et vie de famille est un défi pour de nombreux foyers, pour les mamans solo, c’est encore plus compliqué : elles sont souvent en situation de précarité financière (la moitié des pensions alimentaires sont impayées, indique la Ligue des familles dans son baromètre des parents 2024), isolées socialement, victimes de discrimination à l'emploi, etc. 

Christelle (nom d’emprunt), participante au projet "Relais famille mono" est maman de quatre enfants. Dépendante du CPAS, elle veut travailler pour s'extirper de la pauvreté. Elle a dû attendre de trouver une place dans une crèche pour envisager la reprise. "J’ai vraiment hâte de travailler. Mais je dois trouver un emploi adapté à ma vie et à mes enfants qui ont besoin de divers suivis médicaux", se justifie-t-elle.  

Cynthia, enseignante et maman d’un garçon de dix ans, a dû arrêter de travailler à cause de graves problèmes au dos. "J’aimerais reprendre mon métier pour retrouver une vie sociale. Les anciens collègues m’ont éjectée de notre groupe WhatsApp. On se sent seule dans ces cas-là." 

Aménager les conditions de travail est particulièrement important pour permettre l’accès de ces familles à l’emploi, pointe Charlotte Maisin, chargée de recherche au Centre d'appui de la FDSS. "Il y a une injonction à la remise au travail des parents solo, peu importe l'emploi. Or, elles ont énormément de difficultés à gérer dans leur quotidien. Leur proposer des emplois précaires, aux horaires inflexibles augmenterait leur stress", insiste la chercheuse.  

Casser les préjugés 

La méconnaissance des situations des mamans solo porte son lot de préjugés. La plupart du temps la société renvoie à ces mères qu'elles sont responsables de leur situation, regrette Charlotte Maisin. "Á force de l'entendre, elles y croient et culpabilisent. Elles perdent toute estime d'elles, se renferment socialement. Dans ces conditions, comment se présenter à un entretien d'embauche en étant pleine d'assurance ?" 

Entre temps, le "Relais familles mono" s’est rempli. "Tu devrais t’inscrire à l’atelier mécanique automobile, lance une participante à une autre. On t’apprend à réparer quelques trucs de base et on te donne des conseils pour ne pas te faire arnaquer. On sait que dans certains garages, on est prises pour des gourdes !"  

Les mamans échangent, s'inspirent et s'encouragent mutuellement : Gaëlle raconte qu’elle a repris une formation de stylisme et a lancé sa propre marque de vêtements. Elle voyage quand elle le peut avec ses deux enfants pour leur faire découvrir le monde. Sarah, militante et maman d'une petite fille de 7 ans, n’a pas attendu de trouver un travail qui tienne compte de sa réalité. Elle a lancé sa propre entreprise dont l'objectif est d'apprendre aux personnes à prendre soin d'elles…