Soins de santé
La question de l'hygiène et de la propreté des toilettes revient régulièrement dans les discussions scolaires. De nombreux élèves se retiennent d'aller aux toilettes et cela a des conséquences sur leur santé.
Publié le: 28 septembre 2023
Par: Sandrine Cosentino
6 min
Photo: ©Athénée Royal Bouillon-Paliseul - Grâce au projet Ne Tournons pas autour du pot ! des écoles ont pu améliorer le bien-être des élèves.
Absence de papier et de savon, verrous cassés, propreté douteuse, odeurs nauséabondes… Certains en gardent un souvenir dégouté, d'autres préfèrent ne plus y penser. Les toilettes d'écoles ont déjà fait couler beaucoup de chasses d'eau et la situation n'évolue que très lentement, voire, continue à se dégrader. "Ces dernières décennies, tandis que la capacité d’accueil des établissements a été augmentée, les sanitaires, eux, sont très rarement adaptés !", analysait Sacha Lesage pour la Fédération des associations de parents de l’enseignement officiel (Fapeo). "Nous comptons seulement dix ou douze toilettes pour mille élèves !", nous confirme une préfète.
On estime qu'environ 5 élèves sur 10 évitent au maximum les toilettes à l'école et 1 sur 10 y renonce complétement.
Se retenir n’est toutefois pas sans risques pour la santé : dilatation et troubles de la vessie, constipation, infections urinaires ou génitales à répétition, problèmes d’incontinence... Pour Sigrid Vannuffel, chargée de mission du programme Ne tournons pas autour du pot ! (NTPADP), ne pas respecter ses besoins physiologiques d'aller 4 à 7 fois par jour aux toilettes a également d'autres conséquences : "Le bien-être des élèves et leur santé mentale sont affectés. Les élèves peuvent aussi être déshydratés à force d'éviter de boire. Les jeunes filles n'ont pas toujours la possibilité de changer leurs protections périodiques et cela peut aussi avoir des répercussions graves."
Les sanitaires sont un lieu d'intimité par excellence. Il n'est pourtant pas rare d’y trouver des cloisons de cabine ouvertes sur le haut et le bas pour permettre au surveillant de garder un œil sur ce qu’il s’y passe. "Aux 19e et 20e siècles, l’intimité était loin d’être un critère dans la conception des toilettes scolaires, peut-on lire dans la publication "Toilettes scolaires et intimité, c'est possible ?" de NTPADP. (…) La préoccupation principale était de surveiller les élèves lorsqu’ils se rendaient aux toilettes. Beaucoup d’écoles ont hérité de cette conception." Résultat : les élèves ne se sentent pas en sécurité, craignent qu'une tête, voire un téléphone, apparaisse au-dessus ou sous la porte. Sans parler de l'absence de verrous… Certains sont gênés par le manque d'insonorisation des lieux et embarrassés par les odeurs qui circulent facilement.
De plus, certains établissements n'autorisent l'accès aux WC que pendant les récréations, provoquant d’inévitables attroupements, pas idéal pour les élèves pudiques. Si en plus, les étudiants doivent se servir de papier à un distributeur extérieur, sous le regard de tous, c'est la goutte d'eau qui fait déborder la cuvette. Dans une enquête menée par le Comité des élèves francophones auprès de 250 étudiants en secondaire (Analyse pause pipi disponible sur Instragram > cef_Belgique), seulement 4 % affirment avoir accès aux sanitaires à tout moment de la journée. 60 % des participants souhaitent un accès aux toilettes plus large avec un certain degré de contrôle et 38 % estiment qu'ils devraient pouvoir y accéder sans condition.
Certains chefs d'établissement déplorent, de leur côté, un manque de respect des lieux. "Les adultes encadrants s’agacent : les élèves 'cassent tout', 'salissent exprès', 'ne respectent rien'", souligne NTPADP dans sa publication "Les toilettes à l'écoles : Y'a plus de respect ! Vraiment ?". Les élèves, par contre, se plaignent du manque de papier, du savon aux abonnés absents, des planches ou des brosses parties pour de grandes vacances…" Le respect se construit et fait partie de l'apprentissage des jeunes. Mais il est également nécessaire qu'il vienne de tous les acteurs de l'école en mettant à disposition un matériel de base fonctionnel.
Sophie Liebman, institutrice et licenciée en sciences de l’éducation, a consacré son mémoire aux toilettes des écoles ( Analyse socio-pédagogique de la place du corps à l'école primaire : le cas particulier des toilettes", Sophie Liebman, ULB, Faculté des Sciences psychologiques et de l'éducation, 2009) qu’elle considère comme un baromètre du bien-être des enfants. Pour la pédagogue, les graffitis et autres dégradations sont un signe de mal-être qui ne doit pas être pris à la légère. "S’ils se sentent mal en classe, s’ils subissent des humiliations, les jeunes viennent se soulager aux toilettes, exprimer leur colère, à l’abri de tout contrôle social."
Aborder la question des WC dans un établissement n'est pas un détail. Il s'agit parfois d'ouvrir la boite de Pandore et devoir travailler sur le climat général de l'école, l'aménagement de la cour de récréation, l'autonomie et la confiance laissées ou non aux élèves…
Bernard De Vos, ancien délégué général aux Droits de l’enfant, rappelait lors d'un séminaire que le droit à la santé, à l'intimité et à la sécurité n'est pas suffisamment respecté dans les toilettes des écoles. Résoudre les difficultés liées aux sanitaires scolaires ne se fera pas en un jour. Le problème est complexe et demande une concertation et la bonne volonté de tous les acteurs. Les réalités et les moyens financiers sont également très différents d'un établissement à l'autre.
Il est pourtant possible d'améliorer les choses, petit à petit. "La clé est d'impliquer les élèves dès le début d'un projet d'aménagement, rappelle Sigrid Vannuffel de NTPADP. Après tout, ce sont les premiers concernés !" NTPADP a également édité une publication pour rappeler le minimum indispensable pour le bien-être des élèves : une porte qui ferme, un verrou facile à manipuler, du papier à portée de main, une planche solide, une chasse d'eau fonctionnelle, une ventilation efficace, un éclairage rassurant, du savon liquide, un nettoyage régulier… Un travail de sensibilisation demeure également indispensable pour que la situation perdure.
L’école Saint-Joseph de Malonne a été l'une des premières à bénéficier, en 2015, d'une aide du fond Byx de la Fondation Roi Baudoin dans le cadre du programme NTPADP. "Le projet s'est inscrit dans notre volonté de faire un travail de fond, un travail permanent de responsabilisation des enfants, révèle Bertrand Dubois, directeur. Cela permet à tous les acteurs de l'école de ne pas perdre de vue que la question de l'hygiène reste une question importante et répond à un besoin élémentaire de toute personne dans un lieu collectif. Les éléments mis en place sont toujours là, preuve que le choix de matériaux de qualité et la confiance placée dans les élèves est un pari gagnant."
Le podcast de la Coordination des Organisations pour les Droits de l’Enfant intitulé "Games & Thrones" donne entre-autre la parole aux enfants, notamment sur le sujet de l'état des toilettes à l'école : À Voix Haute - La Code.
Le podcast "Water Causettes" du projet Ne tournons pas autour du pot ! donne des pistes pour repenser les toilettes scolaires.