Soins de santé
En Belgique, près de 70 % des grands-parents gardent régulièrement leurs petits-enfants pendant que les parents turbinent. Entre bonheur familial et charge mentale, l’équilibre peut parfois être délicat.
Publié le: 26 août 2024
Mis à jour le: 26 septembre 2024
Par: Sandrine Warsztacki
3 min
Photo : © Adobe Stock - Les femmes sont plus nombreuses à garder leurs petits-enfants
En Belgique, les grands-parents consacrent en moyenne entre 35 heures par mois (pour les hommes) et 39 heures (pour les femmes) à la garde de leurs petits-enfants. Un rôle généralement endossé avec bonheur. "C’est une chance d’être présent dans leur quotidien, une occasion de tisser des relations privilégiées. Mes petits-enfants m'aident à rester jeunes", se réjouit Pierre, grand-père comblé de deux petits gars énergiques. Mais la joie d’accueillir ses petits-enfants, peut aussi faire place au soulagement de les voir repartir... Brigitte (nom d'emprunt) s’occupe seule de ses quatre petits-enfants. Elle fait partie de cette génération parfois surnommée "chic-ouf" (chic ils arrivent, ouf ils repartent !): "On n'aime pas voir nos enfants en difficulté dans leur vie d'adulte, mais on n'a plus toujours la force. Nos enfants veulent que l'on soit la même super maman qu'on a été pour eux, ils ne veulent pas voir que l'on vieillit. C’est très difficile de leur dire non, mais entre grands-parents c'est un sujet dont on parle beaucoup", confie cette grand-mère qui participait récemment à un atelier d'Énéo, le mouvement social des aînés, sur le rôle des grands-parents.
Pierre
Son témoignage fait écho aux constats de l'enquête européenne Share sur la santé des 50 + : si la garde des petits-enfants se traduit statistiquement par un niveau de bien-être plus élevé, la probabilité de développer des signes d'état dépressif augmente à mesure que cette charge s’intensifie (de 3 à 6 points de pourcentage pour 10 heures mensuelles supplémentaires). A contrario, l’impossibilité pour certains grands-parents de pouvoir proposer leur aide, pour des raisons géographiques ou de santé notamment, peut aussi être source de souffrance.
Docteur en économie, responsable de l'équipe Share pour la Belgique, Jérôme Schoenmaekers observe trois types de motivation en jeu chez les grands-parents. "On peut aider de façon purement altruiste, pour obéir à une norme sociale, plus ou moins forte en fonction des pays, ou encore, s'inscrire dans une logique d’échange : 'J'aide mes enfants car j'espère que ceux-ci m’aideront'." Les personnes âgées qui se sont occupées de leur petits-enfants reçoivent davantage de soutien de leurs enfants en cas de perte d'autonomie, observe-t-il dans une analyse fraîchement publiée.
Brigitte
Le nombre d'heures consacrée à la garde des petits-enfants varie aussi fortement d'un pays à l'autre en fonction des politiques familiales (crèches, congés parentaux, etc.), la Belgique se situant dans la moyenne européenne. Mais partout le même constat : avec l'allongement de l'espérance de vie et les mutations du marché du travail, l'aide informelle et intergénérationnelle apportée par les aînés occupe une place croissance. "Avec le système de la retraite, les générations âgées ont vu se libérer du temps et des moyens, observe l’union des associations de parents de l’enseignement catholique (UFAPEC) dans une analyse. Mais, le risque inhérent à cela est que ce rôle a été en partie pris pour acquis par les gouvernements et les familles. Et dans beaucoup de pays les mesures d’austérité et les coupes dans les services publics vont sans doute augmenter la pression sur les grands-parents pour combler les lacunes de l’offre de services de garde formelle pour les enfants et de soins aux personnes âgées."
Sans oublier que 17 % des grands-parents en Europe ont encore leurs propres parents en vie, dont ils doivent potentiellement s’occuper, parfois en travaillant encore... "Ce risque de double charge pèse particulièrement sur les femmes qui se retrouvent à garder leurs petits-enfants pour aider leurs filles à mener leur carrière tout en soutenant leurs propres parents", commente l’économiste de la santé.