Inclusion

Les entreprises de travail adapté, une plus-value sociale en Région bruxelloise

En Région bruxelloise, 1.800 personnes dont 80 % en situation de handicap travaillent dans une entreprise de travail adapté. 60 ans d'expériences confortent le secteur dans ses choix sociaux et économiques. 

Publié le: 19 février 2024

Mis à jour le: 26 septembre 2024

Par: Joëlle Delvaux

4 min

Ouvrier dans une Entreprise de travail adapté

Photo: En ETA, la personne n'est pas vue à travers le prisme de son handicap mais celui de son travail. © Fedrap

Offrir aux personnes handicapées des activités rémunératrices adaptées à leurs capacités dans un cadre de travail protecteur: c'est de cette préoccupation que sont nés les ateliers protégés au début des années 60. Conçus comme tremplin vers l'emploi ordinaire, ils n'ont pourtant jamais réellement rempli cette mission. Cette intention louable a vite démontré ses limites.
Il a fallu attendre le milieu des années 90 pour que les pouvoirs publics actent le professionnalisme de ce secteur économique à vocation sociale et accordent de véritables droits sociaux aux travailleurs en situation de handicap. Rebaptisées "entreprises de travail adapté" (ETA), ces asbl sont devenues des entreprises d’insertion en soi. L‘instauration d'une commission paritaire sectorielle et d’un salaire minimum garanti les a pleinement inscrites dans le paysage socio-économique.

Des emplois stables et durables

Actuellement, en Région de Bruxelles-Capitale, 12 ETA sont subsidiées par la Commission communautaire française (Cocof), auxquelles il faut ajouter une ETA néerlandophone subsidiée par la Flandre. Sur les 1.450 ouvriers qui y travaillent, plus de 70% sont en situation de handicap psychique et cognitif. "Le travail est un puissant facteur d'inclusion dans la société. Mais le milieu de travail classique est peu inclusif, commente Michael Lans, responsable de la communication à la Fédération bruxelloise des entreprises de travail adapté (Febrap). En ETA, la personne n'est pas vue à travers le prisme de son handicap mais celui de son travail. Un travail utile, qui valorise ses compétences, et lui offre un salaire et un statut social. C'est une dimension très importante de l'inclusion. Pour la plupart de celles et ceux qui travaillent en ETA, leur lieu de travail est un cocon bienveillant. Il est aussi leur principal lieu de socialisation."

Un vivier pour les marchés publics

À côté des entreprises adaptées, la Febrap souligne la nécessité de promouvoir l’inclusion en milieu ordinaire en fixant un cadre contraignant. Deux ordonnances bruxelloises imposent aux communes et CPAS un quota de 2,5 % de travailleurs porteurs de handicap, la moitié pouvant être constitué d'embauches indirectes via les marchés publics confiés aux ETA. "Cette
obligation est loin d'être respectée, regrette Michael Lans. Nous recommandons d'imposer aux organismes qui n’atteignent pas leur quota de faire appel aux ETA pour leurs marchés publics. Il faudrait aussi élargir l'obligation de quota à l'ensemble des organismes publics et appliquer des sanctions financières en cas de non-respect, qui bénéficieraient aux secteurs actifs dans le monde du handicap, comme cela se fait notamment en France".
Pour plus d'inclusion, Michael Lans est aussi d'avis de développer la pratique des prestations de sous-traitance par du personnel des ETA "dans les murs" d'entreprises clientes. "Cela permet aux travailleurs de s'insérer dans le milieu ordinaire tout en bénéficiant de l'encadrement rassurant de l'ETA". Un win-win pour toutes les parties.

De l'économie sociale

Tout en tenant compte de la diversité des handicaps et du vieillissement du personnel, l'ETA doit être compétitive et rentable.
Un énorme défi dans le contexte socio-économique particulier à Bruxelles. "Comme il n’y a plus d’industrie, l’activité des ETA s’est déplacée de la sous-traitance industrielle vers des métiers de service aux entreprises et aux particuliers. On ne manque pas d’idées pour se diversifier et investir de nouveaux secteurs comme celui du recyclage et de la revente, mais le coût des surfaces est un obstacle important", s’émeut Michael Lans.
Dans son memorandum politique régional, la Febrap dénonce aussi un sous-financement public . "Les subsides servent à compenser la perte de productivité des travailleurs en situation de handicap et à assurer partiellement l'encadrement nécessaire. Mais ils sont insuffisants pour maintenir notre mission avec nos nouvelles activités. Il faudrait également dépoussiérer les réglementations pour mieux coller à la réalité économique et sociale".
À la demande de la Febrap et des syndicats, en 2023, le gouvernement bruxellois a confié à un consultant externe un travail d’analyse en profondeur du secteur. Les résultats devraient éclairer le futur gouvernement bruxellois. À suivre.