Politiques sociales

Hommage à Jean Hallet, un artisan de la solidarité

Aux gouvernes de l’Alliance nationale des mutualités chrétiennes pendant près de trente ans en tant que Secrétaire général puis Président, Jean Hallet nous a quittés le samedi 19 juin 2021 à l’âge de 92 ans, au terme d’une vie exceptionnelle. Portrait d'un homme visionnaire, engagé contre toutes les formes d’inégalités sociales

Publié le: 04 août 2021

Mis à jour le: 18 septembre 2024

Par: Joëlle Delvaux

8 min

Jean Hallet, une personnalité humble, copyricht Matthieu Cornelis

Photographie: Jean Hallet en 2013 copyright Matthieu Cornelis

Un bâtisseur de l'assurance maladie-invalidité

Jean Hallet fut avant tout l’un des artisans discrets mais efficaces du système d’assurance soins de santé et indemnités et, en particulier, de la sécurité tarifaire que nous connaissons aujourd'hui grâce aux conventions signées entre prestataires de soins et mutualités. À l'occasion des 50 ans de la loi Leburton organisant "l'assurance maladie-invalidité", comme on l'appelait à l'époque, le dernier des négociateurs à pouvoir témoigner de cette importante réforme initiée par le ministre de la Prévoyance sociale de l'époque nous avait accordé une interview dans En Marche du 20 juin 2013

Jean Hallet nous avait livré la manière dont s'étaient déroulées les négociations politiques dans un climat social difficile.
"Avant 1963, les médecins fixaient librement leurs honoraires mais il n’y avait pas de rapport con venu entre les tarifs et les remboursements. Ceux-ci couraient derrière les honoraires qui augmentaient à leur tour. Pour arrêter cette spirale, il fallait que les médecins acceptent de négocier les tarifs avec les mutuelles", confiait-il. 

Jean Hallet nous parla ensuite de la longue grève des soins menée par les médecins durant l'hiver 64, en réaction à la loi Leburton. Participant aux négociations politiques qui ont suivi, Jean Hallet, à l'époque attaché de direction aux mutualités chrétiennes, a pu habilement convaincre les représentants des médecins de signer l'accord dit de la St-Jean qui confirme le rôle des mutualités et organise la participation des médecins au fonctionnement de l'Inami. "Depuis ce moment-là, une habitude de concertation s’est installée. Elle a permis, au fil du temps, de nouer des conventions. (..) Cet accord a aussi consolidé le rôle important des mutualités", rappelait-il fièrement. 

"C’était un homme de foi, une foi en éveil exigeante, nourrie de lectures, de débats passionnés et d’interrogations permanentes."

Jean-Jacques Viseur

Un homme de convictions

Si l'organisation et la régulation du système des soins de santé furent au coeur de la fonction de Jean Hallet, bien d'autres combats animaient cet homme de convictions : une sécurité sociale forte pour protéger contre les accidents de la vie, des pensions légales décentes, la reconnaissance de la vie associative par les pouvoirs publics, la défense du rôle fondamental des corps intermédiaires (mutuelles, syndicats) pour enrichir la démocratie, un enseignement d'excellence accessible à tous, un dialogue respectueux avec l’islam, une télévision publique qui privilégie une information pluraliste et de qualité...

Acteur impliqué dans de nombreuses sphères, Jean Hallet était soucieux de jeter des ponts entre le monde académique, l’enseignement, les médias, le milieu politique, les mutualités, le corps médical, les interlocuteurs sociaux... Dans toutes les organisations dans lesquelles il assurait des responsabilités – des man dats le plus souvent bénévoles, l'homme s'impliquait énormément, ne ménageant ni son temps ni son énergie. Il fut "un inspirateur, un con seiller et un ami fidèle", résume Étienne Michel, directeur général du Secrétariat général de l’enseignement catholique en communautés française et germanophone (Segec).

"Jean Hallet vivait par et pour ses convictions qui sont le fil d’Ariane à travers ses divers engagements", témoigne Jean-Jacques Viseur, ancien compagnon de route et ami de toujours de Jean Hallet. Il défendait une vision de la société inspirée par les valeurs chrétiennes (charité, solidarité, justice sociale…). "C’était un homme de foi, une foi en éveil exigeante, nourrie de lectures, de débats passionnés et d’interrogations permanentes, ajoute-t-il. Pénétré de la doctrine sociale de l’Église, il s’est nourri des grandes encycliques sociales, de Rerum novarum à Laudate si. Il menait régulièrement un groupe d’amis au monastère Saint-André à Clerlande pour étudier et analyser ensemble les textes et une vision progressiste du monde".

"C'était une personne exceptionnelle, qui imposait le respect par sa vision éclairée de la société, ses engagements et sa simplicité, renchérit Jean Hermesse, pensionné et ancien secrétaire général de la MC qui considère Jean Hallet comme son mentor. Il était assez introverti et pudique, ne prenait pas de place inutile. C'était un homme d'esprit, de réflexion, doté d’une remarquable capacité d’analyse. La transmission était l'une de ses valeurs cardinales".
 

Jean Hallet avait acquis un pouvoir d'influence certain au sein de la société belge.

Un homme de compromis


Reconnu pour ses qualités de visionnaire, Jean Hallet était aussi un homme de compromis, mais pas du compromis à tout prix. "Il était très ferme sur ses valeurs et oeuvrait pour l'intérêt général, assure Jean Hermesse. "Y-a-t-il une méthode propre à Jean Hallet, s'interroge Jean-Jacques Viseur. En tout cas, même ses adversaires les plus déterminés doivent reconnaître que dans notre pays toujours compliqué, il réussit, tout au long de sa carrière, à mener à bien les négociations les plus compliquées. Respectueux de l’autre dès lors que celui-ci était sincère, il forgeait aussi des accords équilibrés qu’il respectait scrupuleusement".

Malgré sa discrétion, Jean Hallet était écouté et respecté bien au-delà des milieux chrétiens et associatifs. Fin stratège, il avait acquis un pouvoir d'influence certain au sein de la société belge. Réel guide, Jean Hallet laissera son empreinte auprès des femmes et des hommes qui, à la MC comme dans le monde associatif et politique, poursuivent aujourd’hui ses combats pour une société plus juste et solidaire. 

Pendant trois ans, de 2010 à 2013, Jean Hallet a signé une chronique mensuelle dans En Marche sous le pseudonyme de Désiré Vihoux.