Politiques sociales

Pierre-Frédéric Nyst : "L’existence des interlocuteurs sociaux ne peut pas être remise en question" 

Pour Pierre-Frédéric Nyst, Président de l’Union des classes moyennes (UCM), la richesse de la sécurité sociale réside aussi dans son modèle de concertation sociale, que l’on soit assis sur le banc des syndicats ou celui des employeurs.

Publié le: 20 novembre 2024

Mis à jour le: 28 novembre 2024

Par: Propos recueillis par Julien Marteleur

4 min

pierre frederic nyst

Illustration: (c) PAF! Design

En Marche : La sécurité sociale souffle ses 80 bougies. Que souhaitez-vous à cette vieille dame à l'occasion de cet anniversaire ? 

Pierre-Frédéric Nyst : On lui souhaite de pouvoir fêter son centenaire ! Pour assurer cette longévité, il faut rester au chevet de cette belle vieille dame, qui a eu une existence bien chargée : elle est née dans la douleur et le quasi-secret, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, dans une idée de partage, de protection collective. Aujourd'hui, on a peut-être un peu perdu cette idée d'assurance, de coup de pouce en cas de difficulté, et les parties prenantes doivent travailler dans ce sens-là. Alors, oui, la sécurité sociale a sans doute besoin d’un élixir de jouvence après 80 ans. Mais ce n’est pas pour autant qu’il faut la remiser sur l’étagère ou la réformer complètement ! Au contraire, il faut conserver la base sur laquelle la sécurité sociale a été bâtie pour "moderniser" cette dernière et ainsi la renforcer.

En Marche : Pour vous, on a perdu notamment l'idée de "contrat social" qui est une part importante de l'ADN de la sécu...

Pierre-Frédéric Nyst : Aujourd'hui, il faudrait consolider cette idée, retrouver le sens de ce contrat social : au sein de la société, un individu a des droits, mais il a aussi des obligations. Dans la notion de sécurité sociale, il y a une temporalité. Elle est là pour nous accompagner durant toute notre vie, certes, mais surtout lors des moments difficiles. Par exemple, le droit-passerelle existe pour les indépendants, mais il ne s’agit pas d’un modèle de revenu disponible ad vitam, il est limité dans le temps. Il faut aussi appliquer cela aux indemnités de chômage mène d'un endroit à un autre endroit, ce n'est pas un modèle à vie, éternel. Le droit passerelle est limité dans le temps. Il faut aujourd’hui appliquer cela aux allocations de chômage. Aucun "business model" ne peut être modelé sur l'éternel. C’est comme cela qu’on pourra garantir une pérennité entre les dépenses et les recettes. À l’UCM, nous sommes d’accord avec cette idée de limiter le droit à ces allocations à 2 ans, tout en supprimant leur dégressivité.  Du côté du patronat, il faut aussi mettre de l’eau dans son vin : adapter le travail au vieillissement de la population, veiller à la bonne réintégration des malades longue durée, c'est aussi notre responsabilité pour "ouvrir" au maximum le monde professionnel et éradiquer les voies sans issue.

En Marche : Vous le pointez : le monde du travail est en pleine évolution. Le profil des travailleurs a changé. Avec quelles conséquences pour la sécu ? 

Pierre-Frédéric Nyst : L’arrivée du télétravail et de l’intelligence artificielle d’un côté, et l’augmentation des burn-outs et de l’incapacité de travail de l’autre indiquent qu’il va falloir repenser le monde du travail. La bonne santé de la sécurité sociale repose sur l'expression du salariat. Les nouvelles générations nous disent qu’elles ne travailleront plus comme les précédentes et les patrons doivent pouvoir l’entendre. Si nous faisons la sourde oreille, nous irons droit dans le mur.  

La santé de la sécurité sociale dépend majoritairement du nombre de travailleurs actifs. Il faut encourager l'emploi et pour cela, il faut offrir la possibilité à toutes et tous de mettre un "pied à l'étrierdu monde du travail. Certes, les jobs étudiants, les flexi-jobs, les premiers emplois "zéro cotisation pour l’employeur" sont des emplois qui ne vont pas directement remplir les caisses de la sécurité sociale, mais ce sont des tremplins qui vont faciliter l’entrée dans la vie professionnelle.

En Marche : Au regard de ces profonds changements sociétaux, êtes-vous inquiet pour l'avenir ? Quelles sont, selon vous, les principales menaces au futur de la sécu ? 

Pierre-Frédéric Nyst : Certains partis souhaiteraient recadrer la concertation sociale. Mais cette concertation est l’expression même d’une société civile "organisée". Cela permet de construire un socle social solide, qui traverse le temps au gré des changements de gouvernements. Quand on nous demande notre avis, on le rend. Le gouvernement peut respecter cet avis mais il peut s'en écarter également. Il faut arrêter de croire que ceux qu’on appelle communément les "corps intermédiaires" prennent toutes les décisions. La sécurité sociale a été créée et doit être gérée avec l’aide des interlocuteurs sociaux, dont l’existence ne peut être remise en question. Nos avis sont des mains tendues vers le monde politique, pas des bâtons dans les roues !