Soins de santé
L’aggravation de la pénurie de personnel soignant met en péril l'accessibilité et la qualité des soins, alerte une étude de la MC. Une bombe à retardement alors que les besoins vont croissants dans une population vieillissante.
Publié le: 31 juillet 2024
Par: Joëlle Delvaux
4 min
Photo: © Belgaimage
Maisons de repos et/ou de soins, soins à domicile et hôpitaux : la pénurie d'infirmières et d'aides-soignantes (1) frappe partout. En 15 ans, le personnel infirmier âgé de plus de 50 ans a plus que doublé (il est passé de 14 à 32 % entre 2004 et 2018). Sur la même période, la proportion des 35-50 a augmenté de 11 % et celle des moins de 35 ans a diminué de 7 %. L'évolution de la pyramide des âges parle d'elle-même : le renouvellement des infirmières plus âgées par les plus jeunes n'est plus assuré. D'une part, le secteur peine à attirer, former et retenir les jeunes infirmières dans leur fonction : une grande partie ne pratiquerait réellement ce métier que durant 5 à 10 ans. D'autre part, la part croissante d'infirmières plus âgées nécessite de réfléchir d'urgence à la manière de préserver leur bien-être en fin de carrière.
Hélène Janssens
Quelle est l'ampleur de la pénurie ? Quelles en sont causes ? Comment y remédier ? C'est à ces questions qu'ont voulu répondre la MC et l'Institut pour l’égalité des femmes et des hommes. L’enquête menée auprès de 1.200 infirmières, actives dans tous les secteurs du soin, permet de mesurer l'ampleur du malaise.
"Pour la toute grande majorité des répondantes, le fait de ne plus pouvoir réaliser les soins relationnels est une source de souffrance qui aboutit à une perte de sens", décrypte Hélène Janssens, chercheuse au service d'études de la MC. La plupart dénoncent une surcharge de travail excessive, un épuisement émotionnel et physique, un manque d'autonomie et de flexibilité. La multiplication des tâches administratives – qui peut occuper jusqu'à la moitié du temps de travail – renforce la perte de sens.
Nombre de soignantes pointent aussi du doigt des violences de la part des patients, des horaires de travail atypiques difficilement compatibles avec la vie familiale ou encore des équipes incomplètes obligeant à de nombreuses prestations supplémentaires.
"C’est un cercle vicieux, analyse Hélène Janssens. Le manque de personnel détériore les conditions de travail de celles qui restent. Ces soignantes s'épuisent et, à leur tour, tombent malades ou en burnout. Cette situation les poussent soit à diminuer leur temps de travail, soit à s'orienter vers un autre secteur de soins, soit à chercher un autre emploi. L’enquête montre d’ailleurs qu’une infirmière sur quatre envisage de quitter la profession ! Quant aux stagiaires, elles sont très vite dégoûtées après avoir découvert le métier sur le terrain."
Nombre de soignantes pointent aussi du doigt des violences de la part des patients, des horaires de travail atypiques difficilement compatibles avec la vie familiale ou encore des équipes incomplètes obligeant à de nombreuses prestations supplémentaires.
"C’est un cercle vicieux, analyse Hélène Janssens. Le manque de personnel détériore les conditions de travail de celles qui restent. Ces soignantes s'épuisent et, à leur tour, tombent malades ou en burnout. Cette situation les poussent soit à diminuer leur temps de travail, soit à s'orienter vers un autre secteur de soins, soit à chercher un autre emploi. L’enquête montre d’ailleurs qu’une infirmière sur quatre envisage de quitter la profession ! Quant aux stagiaires, elles sont très vite dégoûtées après avoir découvert le métier sur le terrain."
Sur l'autre versant de la pénurie, du côté de la demande de soins, la situation n'est pas moins critique. La diminution de la durée de séjour à l'hôpital (illustrant le virage ambulatoire des soins de santé) intensifie le recours à des soins de plus en plus complexes au domicile des patients. Les données relatives aux affiliés de la MC bénéficiant de soins à domicile montrent d’ailleurs que le nombre de prestations nécessaires augmente au fur et à mesure de l’avancée en âge.
"Même en admettant que le nombre de soignantes actives augmente, les besoins de soins augmenteront davantage en raison du vieillissement de la population", s’émeut la chercheuse pour qui la délégation de certains actes à des personnes moins qualifiées n’est pas une solution. Car la pénurie touche de nombreux métiers du "prendre soin d’autrui", aussi en souffrance.
"Nous vivons hélas dans une société profondément individualiste qui glorifie la performance, occulte nos vulnérabilités humaines et dévalorise les métiers de la relation à autrui. Les résultats de notre étude invitent à revaloriser et remettre du sens au coeur du métier infirmier qui se fait justement avec coeur."
(1) 86 % des infirmiers et 90 % des aides-soignants sont des femmes, raison pour laquelle nous utilisons le féminin pour parler de ces métiers.