Seniors

Accompagner à l'heure du "grand départ"

Être présent au chevet des personnes en fin de vie nécessite d'avoir le cœur solide, sans être blindé, et une bonne dose d'empathie... À la découverte du volontariat en soins palliatifs, une expérience humaine riche d'émotions et d'enseignements.

Publié le: 11 octobre 2021

Mis à jour le: 16 septembre 2024

Par: Aurelia Jane Lee

7 min

Mains tendus et papillon qui s'envole

Photographie: © iStock

"Les personnes en fin de vie vous donnent des leçons de vie fabuleuses". Xavier Scheid, infirmier de formation, est directeur de Continuing Care, un service d'accompagnement en soins palliatifs à domicile qui couvre les 19 communes de la Région de Bruxelles-Capitale (1). Composée essentiellement d'infirmières, son équipe compte aussi une psychologue, une assistante sociale, un technicien et une équipe administrative. "Puis il y a les volontaires, dont le rôle est d'offrir un peu de répit aux proches et une présence aux patients, en particulier ceux qui n'ont pas de famille. Ils peuvent accompagner la personne dans ses activités, par exemple, faire des courses ou participer à un atelier de peinture."

"Ce bénévolat demande un certain investissement moral, personnel, mais il apporte aussi beaucoup", assure Fabienne (prénom d'emprunt), volontaire en soins palliatifs à l'hôpital depuis près de 27 ans. "Face à leur mort, certaines personnes sont en colère ou dans le déni, mais elles se montrent rarement superficielles. Les faux-semblants disparaissent. C'est l'heure du bilan, par rapport à soi et à ses proches. Il arrive que les gens nous livrent des confidences difficiles, car c’est parfois préférable pour eux de s'adresser à des personnes qu'ils ne connaissent pas. On parle aussi beaucoup avec la famille. Les proches ont besoin de soutien et de pouvoir se décharger. Voir que leur parent ou conjoint malade est aux mains de volontaires qui s'en occupent avec respect les apaise."

Des rencontres qui vont droit à l’essentiel

"Quand j'ouvre la porte d'une chambre, j'ai toujours la même appréhension de découvrir qui s'y trouve et comment ça va se passer, confie Fabienne. Mais je crois que c'est normal et nécessaire." Xavier Scheid s'enthousiasme : "On commence chaque fois une nouvelle histoire. Le premier défi, c'est de se faire accepter par la famille et par le patient, puis de construire une relation en fonction de leurs attentes. On n'est pas là pour imposer quoi que ce soit, mais pour ouvrir des portes et proposer." L’infirmier observe que la proximité de la mort rend plus humble et facilite une relation authentique : "Face à la fin de vie, on est tous pareils, pauvres ou riches ; on est démunis ; on n'est plus dans le grand show de la vie. On est dans le vrai de vrai, et ça n'a pas de prix."

L’approche de la fin de vie ne gomme toutefois pas toutes les différences. Les volontaires doivent être ouverts à une diversité de cultures, de traditions et de croyances. "Je me suis rendu chez un homme d'origine étrangère, qui vivait dans un logement social et dormait sur une natte de paille, se souvient Xavier Scheid. Avec les valeurs et références qui sont les miennes, je lui ai proposé de lui prêter un lit. Mais cet homme n'en voulait pas, il était très satisfait de sa natte de paille, il y est décédé."

"La qualité de la relation est aussi une question d’alchimie personnelle, reconnaît Fabienne. D'où l'intérêt de fonctionner en équipe : une autre personne volontaire passera le lendemain, avec laquelle le patient aura peut-être plus d'affinités."


 

Des volontaires formés et encadrés

Tant chez Continuing Care qu'à l'hôpital où s'est engagée Fabienne, tous les volontaires ont suivi une formation spécifique (voir ci-dessous). "Cela permet de réfléchir à notre perception de la mort, d'ouvrir les yeux sur les questions qu'on n'aurait pas envisagées et de découvrir ses propres ressources", témoigne Fabienne. Le stage qui clôture la formation permet de sentir si l'on est prêt ou pas à assurer ce type de volontariat. "Il faut avoir de l'empathie, mais sans se laisser envahir, poursuit-elle. Voilà pourquoi tout le monde ne peut pas assumer cela." La formation aide aussi à savoir ce que l'on peut dire et ce qu'il faut éviter de dire, à trouver la bonne attitude, faite d'écoute et de respect. "On a tendance à se demander ce qu'on peut faire pour se rendre utile, remarque la volontaire. En réalité, on doit juste être présent, disponible, à l'écoute. La personne en détresse n'a pas besoin qu'on lui donne des conseils, mais elle doit avoir la possibilité de parler, de dire ce qu'elle ressent."

Pour préserver les accompagnants volontaires, il importe qu'un cadre strict soit mis en place. Ainsi, les volontaires comme Fabienne ne prestent pas plus de huit heures par semaine, la plupart se limitent à quatre heures. À l'hôpital, deux réunions par mois rassemblent l'équipe : l'une avec un superviseur pour déposer les émotions ou les problèmes rencontrés, et l'autre pour échanger sur les questions plus spirituelles, avec l'aumônier de l'hôpital. Pour Fabienne, le fait de travailler en équipe est sécurisant : "On n'est pas tout seuls, on peut partager avec les autres."

Par ailleurs, les volontaires s'engagent à couper les contacts avec les proches après le décès du patient. L'accompagnement de la fin de vie pose en effet la délicate question de la juste distance. "On plonge au plus intime de la cellule familiale, reconnaît Xavier Scheid. Tous ceux qui ont travaillé dans les soins palliatifs se sont brûlés une fois ou l'autre. Le tout, c'est de s'en rendre compte." Il se souvient d'un volontaire qui était allé chercher des pizzas pour un jeune patient, afin de remplacer le repas servi à l'hôpital. Cet homme a réalisé lui-même, par après, qu'il était allé trop loin. "On reste humains avant tout, plaide l’infirmier. On ne doit pas trop souvent dépasser nos limites, mais il peut y avoir une exception dans une situation particulière."
 

Accompagner le plus tôt possible

"L'entrée en soins palliatifs nécessite une bonne coordination, d'autant plus si elle signifie un retour au domicile ou en maison de repos après une hospitalisation. Cela ne doit pas se faire dans la précipitation", prévient le directeur de Continuing Care. Quand une personne entre en soins palliatifs, cela signifie qu'il n'y a plus de traitement possible, mais pas nécessairement qu'elle ne vivra plus longtemps. "J'ai pris en charge un patient atteint d'une maladie neurologique, raconte Xavier Scheid. Je me suis rendu chez lui tous les quinze jours, pendant six ans. En réalité, j'ai surtout passé du temps avec son épouse, pour échanger sur les difficultés rencontrées, les solutions possibles... Cet accompagnement est primordial : il évite les allers-retours avec un milieu hospitalier surchargé et apporte du confort au patient."

"Depuis des années, nous demandons à pouvoir entrer beaucoup plus tôt dans le processus d'accompagnement de la fin de vie, poursuit-il. C'est rassurant pour le patient et sa famille et ça facilite l'établissement de la relation, qui ne se limite dès lors pas aux dernières semaines de vie."
 

Envie de devenir volontaire ?

Le rôle de l’accompagnant volontaire en soins palliatifs est d’offrir au patient, ainsi qu’à ses proches qui le souhaitent, une écoute et une présence. Cet accompagnement nécessite une formation spécifique. Les personnes intéressées par ce volontariat peuvent s’adresser à la plate-forme de soins palliatifs de leur région. Leurs coordonnées sont reprises sur soinspalliatifs.be (rubrique Formations).

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