Seniors

Maisons de repos : des lieux de VIE !

Un vent nouveau souffle dans les maisons de repos. De plus en plus d'établissements s'équipent de méthodes qui remettent le choix, l'autonomie et la convivialité au cœur du quotidien. Immersion dans une maison imprégnée du modèle "Tubbe".  

Publié le: 10 avril 2024

Mis à jour le: 26 septembre 2024

Par: Barbara Delbrouck

8 min

femme et homme tapants des mains sur la table

Photo: © Frédéric Raevens // Au coeur de la philosophie Tubbe, des échanges chaleureux et une prise de décision commune entre personnel et habitants de la maison.

Tubbe : redonner du choix en maison de repos

9h30 au centre de soins Sainte Barbe à Andenne, en bord de Meuse. Maurice déjeune en pyjama. Hier, il s'est couché tard pour terminer son film. Rien d'étonnant, il n'a jamais été du matin. Et pourtant, en maison de repos, pouvoir choisir son heure de lever et de coucher n'est pas toujours acquis. Cela nécessite que les soignants adaptent l'ordre de leur tournée dans les chambres. "Les gens ont des besoins différents, à des moments différents, souligne Anne Collinet, directrice de cette structure du réseau namurois MC "Accueil et Solidarité". Nous essayons d'individualiser nos prises en charge, pour respecter les besoins de chaque personne et qu'elle se sente chez elle. Évidemment, la vie en collectivité impose des limites. Mais on peut commencer par de petites choses. Et à force, on arrive à de grandes choses." Avoir son mot à dire sur la décoration de son lieu de vie, ce qu'on va manger au repas, les activités organisées et si on a envie d'y participer ou pas… Ces petits choix du quotidien, ce respect du rythme et des volontés de chacun, sont des exemples concrets de la philosophie Tubbe, adoptée à Sainte Barbe depuis 2017.  

Participation et co-décision 

Importé de Suède, ce mode d'organisation a démontré ses bienfaits sur les résidents et le personnel. Au menu, pas de recette toute faite mais quelques principes clés à s'approprier : notamment des échanges chaleureux et une prise de décision commune entre personnel et résidents (ou plutôt 'habitants"), qui redeviennent de vrais acteurs de la maison. "Tubbe a vraiment changé notre façon de travailler, témoigne Marie-France Malherbe, ergothérapeute. Avant, on se creusait la tête pour trouver des activités qui plairaient aux résidents. À présent, je vais simplement leur poser la question. C'est plus facile et au final, ça correspond plus à leurs envies ! Et de même, la direction demande l’avis du personnel." Michaël, responsable technique, confirme : "On sent qu'on a notre mot à dire et les résidents aussi. Avant, lorsqu'il fallait changer le mobilier d'une pièce, je le faisais sans discuter. À présent, je vais d’abord consulter les résidents. C'est normal, ils sont chez eux ! Ça a pris du temps mais c'est devenu un automatisme !" Outre prendre part aux décisions, les habitants peuvent contribuer à la vie de leur maison. Travailler au potager, nourrir les poules, aider à plier le linge, ranger les livres dans la bibliothèque… et même participer aux entretiens de sélection du personnel ! Mais toujours dans le respect de leurs souhaits : "Si une personne a envie de rester dans sa chambre pour tricoter toute l'après-midi, comme elle le faisait chez elle, c'est aussi son droit !", rappelle l'ergothérapeute. 

femme âgée pliant des torchons
femme âgée avec un déambulateur
Femme âgée dans un fauteuil discutant avec un homme plus jeune accroupi

Un lieu de vie convivial  

11 heures. C'est l'effervescence dans le hall d'accueil, où résonne un air entraînant. Tous les habitants sont rassemblés pour le tant attendu apéro du vendredi. Ce moment de convivialité, c'est le premier projet qui a vu le jour, lorsque la maison s'est engagée dans Tubbe. Une idée du groupe "repas", l'un des groupes thématiques où résidents, familles et membres du personnel se concertent sur la vie dans la maison. "De nombreux résidents avaient l'habitude de prendre un apéro avant le repas. Ça leur manquait, raconte Marie-France Malherbe. On leur a simplement permis de continuer comme chez eux." Devenu une véritable institution, l'apéro est source de moments conviviaux entre habitants et avec le personnel. Aujourd'hui, deux aides ménagères sont arrivées déguisées et ont improvisé une scénette pour redonner le sourire à Christiane, qui vient de perdre son mari. Nicole et son époux sont quant à eux arrivés depuis peu suite à une chute de celui-ci. Ils ne se sentent pas assez en forme pour participer aux activités mais ils ont fait l'effort dès le début de venir à l'apéro pour rencontrer les gens. "On s'est tout de suite sentis bien accueillis, confie Nicole. En arrivant, j’avais beaucoup d’appréhensions sur la vie en maison de repos, mais je suis rassurée. Le personnel est vraiment gentil et compétent. Et quand on voit l’ambiance, les gens en fauteuil roulant danser...ça change toute la perspective ! C’est familial !" À Sainte Barbe, la convivialité se vit aussi par l'ouverture sur le monde extérieur et la vie du village. Le potager est partagé avec les voisins et l'école, une crèche est installée dans la résidence, les sorties au restaurant du coin sont fréquentes… 

femme âgée en chaise roulante dansant avec personnel de la maison de repos
femme âgée dansant avec personnel de la maison de repos
femme âgée assise à une table et tenant la main d'un homme âgé
personnel de la maison de repos tapant dans les mains

Soignants : un "savoir être" à cultiver 

En discutant à la volée avec les habitants, la chaleur des relations avec l'équipe est à chaque fois mentionnée. Et on peut la sentir, en voyant les sourires fleurir sur le passage du personnel, qui s'arrête çà et là pour un geste réconfortant ou un petit mot. C'est d'ailleurs un principe clé des méthodes Tubbe, Humanitude ou Montessori Senior,qui ont toutes trois le vent en poupe et prônentdes soins plus humains. "Cela consiste surtout à être à l'écoute, dans l'échange, être vraiment présent pendant qu'on s'occupe de la personne, détaille la directrice. Même si on a peu de temps devant soi, c'est la qualité du moment qui compte ! Quand on rentre dans une chambre, on évite de papoter avec sa collègue pour se concentrer sur la personne, lui demander comment elle va, ce dont elle a besoin. On veille à lui laisser un maximum d'autonomie, comme lui proposer de participer à sa toilette avec le gant, lui permettre de manger avec les doigts si la fourchette devient compliquée, etc. Ne pas la considérer comme un objet de soin, mais une personne capable de poser des choix." Des choix qui doivent être respectés jusqu’au bout, même s’il s’agit d’un refus de se laver ou de manger, souligne l’ergothérapeute. "On ne force jamais. On essaie de motiver la personne et on en parle avec elle et sa famille, le médecin… Mais au final, c'est son droit de refuser." Même face à un résident désorienté, ce respect et cette communication bienveillante doivent être au rendez-vous, insiste la directrice, qui programme régulièrement des formations pour outiller le personnel. 

Du changement dans les maison de repos ?  

En 2017, le centre Sainte Barbe faisait partie des six expériences pilotes Tubbe en Belgique. Aujourd'hui, elles sont près de deux cents à avoir initié la démarche, poussées par les appels à projets de la Fondation Roi Baudouin et les financements publics. Le signe d'un réel changement dans les approches ? "Dans le secteur associatif, que nous représentons, il y a beaucoup d'initiatives pour créer des maisons plus participatives, confirme Catherine Dechèvre, responsable du secteur aînés chez Unessa. Cela ne date pas d'hier et les méthodes, les philosophies varient. Mais on sent vraiment une émulation !" Un changement de culture, plus axée sur le bien-être des ainés est d'ailleurs poussée par les autorités, qui multiplient les nouvelles normes qualité. Mais elle s'accompagne souvent d'une charge administrative et il faut, pour bien faire les choses, que le personnel et le financement suivent, souligne Catherine Dechèvre. Ces modèles alternatifs sont aussi une piste face à la pénurie de soignants, en créant des maisons qui les attirent ou les retiennent, encourage-t-elle. "Parmi ceux qui y postulent aujourd'hui, on trouve à la fois des profils jeunes ou très expérimentés, en quête d'une structure où ils peuvent (re)trouver le sens de leur métier."