Soins de santé
Prendre en compte les objectifs de vie et souhaits du patient en matière de soins, dans un dialogue respectueux avec lui et ses proches, c'est ce qu'impose aux prestataires de soins la loi modifiée sur les droits du patient. Karen Mullié, experte "droits du patient" à la MC, nous éclaire.
Publié le: 22 mars 2024
Par: Joëlle Delvaux
7 min
Photographie: (c)AdobeStock Au-delà du dialogue, c'est une relation patient prestataire de soins d’égal à égal que la loi promeut.
En Marche : Pourquoi fallait-il modifier la loi sur les droits du patient ?
Karen Mullié : La loi de 2002 était innovante pour l’époque. Elle affirmait clairement les droits du patient à bénéficier de soins de qualité, à choisir qui le soigne, à être correctement informé pour pouvoir donner un consentement libre et éclairé, etc. En 20 ans, beaucoup de choses ont changé dans notre société et dans le domaine des soins en particulier. Une modernisation de la loi s'imposait. La MC s'est particulièrement investie dans ce vaste chantier. Les modifications de la loi ont été adoptées au Parlement fédéral le 1er février 2024 (Loi du 6 février 2024 modifiant la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient, MB du 23 février 2024). Elles s’inscrivent dans une vision moderne des soins de santé selon laquelle le prestataire doit tenir compte des préférences de vie, des valeurs et de la manière de vivre de son patient dans le choix du traitement médical.
EM : C'est-à-dire ?
KM : Le médecin et le patient doivent choisir ensemble le traitement le plus adapté, en tenant compte de ce que le patient attend des soins, estime important pour sa qualité de vie et désire encore accomplir. Par exemple, en présence d'une déchirure du ligament croisé antérieur au genou, le choix du traitement se portera sans doute sur une intervention chirurgicale pour un jeune sportif. Mais une personne âgée optera probablement pour de la rééducation.
La notion de "soins de qualité" à laquelle le patient a droit est désormais étendue à celle de "soins ciblés" qui tiennent compte des objectifs et du vécu du patient. La "planification anticipée des soins" peut jouer un rôle central à ce propos. C’est un dialogue entre le médecin, le patient et éventuellement ses proches. Il s'agit d'un processus continu et dynamique. Ce dialogue permet au patient de définir ses souhaits ou refus pour ses soins actuels ou futurs, en particulier dans le cas où il n'aurait plus la capacité de les exprimer.
À un moment donné, comme patient, on peut décider de mettre par écrit nos volontés et compléter des déclarations anticipées sur ce qu'on souhaite ou refuse comme soins. Mais il est important de continuer à en parler avec notre entourage et notre médecin. Les réflexions et avis que l'on a sur nos soins futurs et la fin de vie sont susceptibles d'évoluer au cours de notre existence. En particulier, lorsque nous sommes confrontés au décès de nos proches.
EM : Au-delà du dialogue, c'est une relation patient prestataire de soins d’égal à égal que la loi promeut.
KM : Effectivement. Le prestataire et le patient doivent former une équipe soudée, en mettant ensemble leurs expériences et connaissances, au bénéfice de la santé du patient. Cela implique une confiance réciproque et un respect mutuel. Le prestataire doit écouter le patient, comprendre le contexte dans lequel il évolue. Il doit l'informer soigneusement de son état de santé et de son traitement, et lui donner suffisamment de temps pour poser des questions. L’information sur les conséquences financières d'une intervention est aussi devenue un droit en soi.
Par ailleurs, si le patient est d'accord, ses aidants proches peuvent être sollicités par le prestataire peut se concerter tous ensemble.
Enfin, la prise en charge du patient étant souvent multidisciplinaire, la loi insiste sur l'importance d'une bonne coopération entre tous les professionnels de la santé avec le patient et son entourage, dans la mesure du possible.
EM : Les rôles respectifs de la personne de confiance et du représentant ont été davantage précisés dans la nouvelle loi. En quoi et pourquoi ?
KM: Ces deux notions étaient souvent confondues dans la pratique. Il fallait les éclaircir car l'entourage joue un rôle prépondérant dans l'accompagnement du patient. Ainsi, un droit général à l’assistance et au soutien d’une personne de confiance dans l’exercice des droits de patient est inscrit dans la loi. Le patient doit toujours avoir la possibilité, s'il le souhaite, d'inclure ses proches, amis ou membres de sa famille dans son parcours de soins. Et toute personne qui accompagne un patient chez un professionnel de la santé peut être considérée comme personne de confiance. Toutefois, il est toujours possible, pour le patient, de désigner une personne de confiance en particulier dans un document signé à deux. Ce document est à remettre au médecin traitant qui l'introduira dans le dossier médical. Cela facilitera les échanges d'informations. Le représentant a un rôle différent. Il exerce les droits du patient lorsque le patient n’est plus en mesure de les exercer lui-même.
La nouvelle loi stipule que le représentant doit décider et agir dans l'intérêt du patient et conformément aux objectifs de vie et préférences en matière de soins qu'il a exprimés. De plus, autant que possible, le patient doit rester associé à la décision, "proportionnellement" à ses facultés de compréhension. Pour être valable, la désignation d'un ou de plusieurs représentants (en précisant l'ordre dans lequel ces personnes agiront) doit être rédigée et signée par le patient dans un document écrit.
EM : En 20 ans, la digitalisation a fait des pas de géant. Comment est-elle prise en compte ?
KM : Le patient peut demander de recevoir des professionnels de la santé tous les documents concernant sa santé soit sous forme papier soit par voie électronique. Le choix doit rester possible car tout le monde n'est pas forcément à l’aise avec les nouvelles formes de communications numériques. Toutefois, la loi prévoit d'obliger les prestataires de soins d'accorder un accès numérique sécurisé aux données du patient.
EM : Enfin, la loi répond à la demande des parents d'un enfant décédé de pouvoir accéder directement à son dossier médical après son décès. Cela n'était donc pas possible jusqu'ici ?
KM : Non. Au moment du décès de l'enfant mineur, l'accès direct à son dossier patient était brusquement bloqué. Dorénavant, les parents, les grands-parents et la fratrie auront le droit consulter le dossier de leur enfant décédé, de recevoir des explications et d'obtenir une copie, à condition de motiver et spécifier leur demande.
Voici 5 bonnes raisons de se faire accompagner d'un parent, d'un ami ou de toute autre personne de confiance lors d'une consultation médicale.
• À deux, on entend mieux que tout seul
Il est important de bien comprendre les informations fournies par le médecin pour la suite du traitement, en particulier dans les situations de maladie chronique ou grave. Parfois, le patient est à ce point submergé par les émotions à l'annonce d'une mauvaise nouvelle qu’il n’a pas vraiment entendu ce que dit le médecin. La fatigue, les troubles cognitifs et les douleurs peuvent aussi altérer l'écoute et la compréhension.
• À deux, on pose toutes les questions nécessaires
La personne de confiance peut poser des questions auxquelles le patient ne songe pas ou qu’il n'ose pas poser. Préparer une série de questions sur papier avant la consultation et prendre quelques notes sur place peuvent aussi être utiles.
• À deux, on comprend mieux que seul
Certains médecins parlent vite, utilisent des termes compliqués. Dans de telles situations, la présence d'un proche est un plus. Se faire accompagner d'une personne habituée au langage médical peut être un réel secours. Même si le médecin fournit des explications claires, le risque existe qu’elles soient mal interprétées par le patient. La personne de confiance peut recevoir l'information avec davantage de distance et en donner une interprétation plus fidèle. Après la consultation, l'un et l'autre peuvent parcourir ensemble les informations reçues et vérifier qu'ils ont bien compris la même chose.
• Être à deux, cela rassure
La consultation est parfois un moment chargé d’émotions, d’inquiétudes ou d'angoisses. On ne sait pas très bien à quoi s’attendre. Parfois, les nouvelles sont mauvaises. Le soutien d'un proche est précieux dans ces moments difficiles. Lors d'examens médicaux, sa présence peut être rassurante.
• Avoir de l'aide
Se rendre seul à une consultation peut être compliqué si l'on a du mal à se déplacer, si l'on n'entend pas bien, si l'on rencontre des difficultés pour s’habiller et se dévêtir seul. Se faire accompagner est quasi indispensable dans de telles situations.
En conclusion : être accompagné d’une personne de confiance chez le médecin peut contribuer à un meilleur suivi de la maladie et à une application correcte du traitement.