Emploi

L’indexation automatique des salaires sous les projecteurs

En Belgique, l’indexation automatique des salaires, des allocations sociales et des pensions protège les travailleurs et les allocataires sociaux contre la perte de pouvoir d’achat. Mais elle est loin de couvrir la totalité de l'augmentation du coût de la vie. On vous explique comment cela fonctionne.

Publié le: 03 mars 2023

Mis à jour le: 26 septembre 2024

Par: Joëlle Delvaux

5 min

Une femme vérifie des documents à l'aide d'une calculatrice

Photo: © AdobeStock - Fin janvier 2023, 40% des travailleurs du secteur privé ont ainsi vu leur salaire indexé de 11,08%. Cette hausse leur permet juste de retrouver quasi le même niveau de pouvoir d'achat qu'il y a un an.

"L'indexation automatique des salaires et des allocations sociales s'inscrit dans une longue histoire sociale dont on peut être fiers, lance d'emblée Philippe Defeyt, économiste et ancien mandataire politique (Écolo). C'est une loi qui détermine la manière dont l'index est calculé et donne lieu à une indexation des allocations sociales et des salaires dans le secteur public".

Depuis 1994, l’indexation est basée sur l’indice santé. Il s’agit de l’indice national des prix à la consommation qui exclut certains produits jugés nocifs pour la santé ou l’environnement : alcool, tabac et carburants. Lorsque les prix des produits et services augmentent de plus de 2%, l’indice-pivot est dépassé. Les allocations sociales et pensions sont indexées le mois qui suit et les rémunérations du secteur public un mois plus tard. En 2022, l’indice-pivot a été dépassé 5 fois. Il l'a été pour la dernière fois en novembre. Les allocations sociales ont été augmentées de 2% en décembre et les salaires du personnel des services publics en janvier 2023.

Dans le secteur privé, l'indexation des salaires n'est pas réglée par la loi mais par des conventions collectives de travail conclues entre le patronat et les syndicats. Dans les faits, plus de 98% des travailleurs sont assurés de voir leur salaire adapté à la hausse des prix mais le rythme diffère selon le secteur ou sous-secteur d’activité. Pour 43 % des travailleurs, les salaires sont indexés après un dépassement de l’indice-pivot. En revanche, pour plus de la moitié des salariés, l’indexation a lieu à un moment fixe : une fois par an pour la plupart, mais parfois aussi tous les semestres, trimestres ou même tous les mois.

Fin janvier 2023, 40% des travailleurs du secteur privé – essentiellement les employés de la commission paritaire nationale auxiliaire des employés (CP 200) – ont ainsi vu leur salaire indexé de 11,08%. Cette hausse leur permet de retrouver quasi le même niveau de pouvoir d'achat qu'il y a un an. "Entretemps, ces travailleurs ont dû consacrer une partie plus importante de leurs revenus pour payer leurs factures d'énergie, leur loyer, les produits alimentaires, s'émeut Marc Leemans, Président de la CSC, en éditorial de la campagne "Index we trust" menée par le syndicat chrétien pour souligner l’importance de l’indexation. Ces travailleurs – en particulier ceux dont les revenus sont les plus faibles – vont pouvoir souffler un peu. Un peu seulement car ils devront à nouveau attendre un an pour récupérer l’inflation. Ce qui est perdu, ils ne le récupéreront jamais", ajoute-t-il. Le syndicat évalue à 3.400 euros la perte de pouvoir d'achat cumulée en deux ans pour un salaire médian de 3.300 euros bruts/mois ! "Actuellement, les plus mal lotis sont les travailleurs dont l’indexation annuelle a lieu en janvier, confirme Thomas Greuse, conseiller économique à la CSC. Sans compter évidemment les quelque 51.600 salariés privés de l'indexation automatique des salaires parce qu'ils relèvent d’une commission paritaire sans mécanisme d’indexation automatique. 

Du brut au net

L'indexation des salaires porte sur les revenus bruts (avant impôt). Ainsi, toute augmentation de 1 euro en brut correspond en fait à plus ou moins 0,60 euro en net. Actuellement, les barèmes fiscaux sont indexés en janvier et le précompte professionnel prélevé à la source est adapté en même temps. "Pour que le travailleur ait vraiment cet euro en poche, il faudrait indexer en même temps les barèmes fiscaux. Ainsi, l'augmentation du salaire ne repartirait pas en partie dans l'impôt, plaide Philippe Defeyt. Harmoniser les dispositifs d'indexation est nécessaire pour les rendre cohérents, plus lisibles, et pour mieux protéger le niveau de vie en cas de forte inflation."

Toute augmentation de 1 euro en brut correspond en fait à plus ou moins 0,60 euro en net.

L'ancien président du CPAS de Namur propose une formule simple et cohérente : indexer les salaires, les allocations sociales et les barèmes fiscaux chaque semestre, sur base de la même référence. "Une telle proposition permet de limiter l'érosion du niveau de vie en cours d'année, insiste-t-il. Dans la foulée, ce mécanisme pourrait servir à l'indexation de diverses dépenses publiques comme les subsides aux secteurs sociaux, les transferts du fédéral vers les entités fédérées, etc. Une harmonisation permettrait aussi d'éviter que des personnes se trouvent en-deçà ou au-delà de seuils qui ouvrent le droit à divers avantages (le statut BIM notamment - NDLR) simplement parce que les règles d'indexation ne sont pas les mêmes".