
Jeunes
Prendre son autonomie est le moment rêvé pour acquérir de bonnes habitudes financières. Voici quelques questions clé à se poser pour partir du bon pied.
Publié le: 19 février 2025
Par: Valentine De Muylder
8 min
Photo: © AdobeStock//En règle générale, on conseille de mettre de côté l’équivalent de trois mois de revenus pour faire face aux imprévus.
Nous avons toutes et tous un rapport très personnel à l’argent, souvent lié à notre histoire, et qui peut avoir impact concret sur la manière dont nous gérons nos finances. Se demander comment on se sent face aux questions d’argent est donc un préalable important, confirme Anne Berger, animatrice chez Financité : "L’argent est un sujet relativement tabou dans les familles. On en parle peu. Or ce qui n’est pas explicité n’est pas conscientisé, et on ne se rend pas nécessairement compte des biais qu’on peut avoir."Si vous en ressentez le besoin, peut-être n’est-il pas trop tard pour ouvrir la discussion avec vos parents, leur demander conseil, leur poser vos questions ? "Il y a un manque cruel d’éducation financière de manière générale", estime Anne Berger, qui souligne que cela concerne en particulier les filles.
Que faire si on se rend compte qu’on ne dispose pas de toutes les clés pour se débrouiller ? S’il ne fallait citer qu’une référence parmi les nombreuses ressources disponibles en ligne, ce serait sans doute wikifin.be. Le site d’éducation financière de la FSMA, l’Autorité des services et marchés financiers, constitue une mine d’information fiable et accessible sur les questions d’argent, adaptée au contexte belge. Il éclaire de nombreux aspects essentiels à l’acquisition de l’autonomie financière : comprendre sa première fiche de paie, sa déclaration d’impôt, comparer les assurances, les comptes en banque, les produits d’épargne, ou encore s’y retrouver dans les formalités liées à un nouveau logement…
La clé pour s’y retrouver parmi les autres sites, vidéos, applis ou comptes sur les réseaux sociaux ? L’esprit critique. La personne qui vous informe est-elle compétente ? A-t-elle intérêt à vous vendre quelque chose ? Vous propose-t-elle une info nuancée, ou une méthode miracle ?
Le principe d’un budget est simple : il s’agit d’obtenir une vue d’ensemble de vos revenus et de vos dépenses. Pour réaliser cet exercice, prévoyez un carnet, un tableau numérique ou une appli, selon vos affinités, ainsi qu’un peu de temps pour rassembler les infos.
Commencez par dresser la liste de vos rentrées d’argent. Il peut s’agir de revenus du travail, de revenus de remplacement (allocations de chômage, aide sociale…), de revenus complémentaires (bourses d’étude, contribution alimentaire, allocations familiales…), ou encore d’une aide familiale. Informez-vous bien sur ce à quoi vous avez droit !
Passez en revue toutes vos petites et grandes dépenses, en distinguant les dépenses fixes (loyer, factures d’énergie, abonnement de GSM…) des dépenses variables (alimentation, sorties, vêtements, rendez-vous médicaux…). Pour vous permettre d’évaluer le montant de ces dernières, on conseille de les noter systématiquement pendant au moins un mois.
Parmi les dépenses fixes, faites la différence entre celles que vous payez mensuellement, et celles pour lesquelles vous recevez des factures périodiques (trimestrielle, annuelle : facture d’eau, de mutuelle, impôts…). Le conseil d’Anne Berger, pour éviter les dérapages ? Faites l’exercice de "mensualiser" ces dépenses périodiques, c’est-à-dire de calculer et d’intégrer dans votre budget ce qu’elles vous coûteraient par mois. Mettez ensuite de côté chaque mois un montant correspondant, ou passez à un paiement mensuel quand c’est possible.
Une fois votre budget complété, si vos dépenses vous semblent trop élevées par rapport à vos revenus, examinez-les une par une afin de voir si, et où, vous pouvez réaliser des économies. C’est tout l’intérêt de cet exercice : permettre d’objectiver des "impressions" pour prendre de meilleures décisions. Si malgré tout vous ne parvenez pas à l’équilibre, ou que vous êtes amené à vous endetter pour faire face aux imprévus, ne restez pas seul. Adressez-vous au CPAS de votre commune ou au service de médiation de dettes le plus proche de chez vous.
Bon à savoir
Des outils en ligne peuvent vous aider à établir votre budget. Le site checkyourbudget.be, du Centre d’appui aux services de médiation de dettes de la Région de Bruxelles-Capitale, propose un modèle de tableau à télécharger et des pistes détaillées pour identifier et organiser vos dépenses, ainsi que pour réduire certains coûts. Quant au site wikifin.be, il contient un calculateur de budget. Certaines applis bancaires permettent également d’y voir plus clair en classant par catégories les paiements réalisés chaque mois à partir de votre compte.
Se constituer ce qu’on appelle une "épargne de précaution" permet de faire face aux dépenses périodiques, mais aussi aux dépenses imprévues (un souci de santé, un objet à remplacer, une réparation…). En règle générale, on conseille de mettre de côté l’équivalent de trois mois de revenus. "Mais avoir épargné ne serait-ce qu’un mois de revenus permet déjà de faire face aux imprévus", nuance Anne Berger. La règle des "50/30/20", qui consiste à allouer 50 % de son budget aux dépenses essentielles, 30 % aux dépenses de loisirs, et 20 % à l’épargne, circule aussi beaucoup sur les réseaux sociaux. Mais une fois encore, tout dépend des moyens et besoins de chacun.
Le plus important à retenir, résume Anne Berger, dans la mesure du possible, est d’intégrer son épargne dans son budget. "N’attendez pas la fin du mois pour voir ce qui reste. Mettez déjà ne serait-ce que 20 ou 30 euros de côté dès le début du mois. Si à la fin du mois ça ne passe pas, vous irez les chercher. Mais au moins vous serez conscient qu’ils sont mis de côté."
De plus en plus de jeunes sont tentés d’investir. Pourquoi pas ? Mais Mathieu Saudoyer, porte-parole de la FSMA, met en garde contre certaines dérives liées entre autres aux promesses irréalistes et risquées de certains influenceurs (ou finfluencers) qui s’improvisent conseillers financiers sur les réseaux sociaux. Selon une enquête menée par Febelfin, la fédération belge du secteur financier, 25 % des jeunes envisageraient de leur faire confiance… Le sujet est vaste mais quelques conseils de base peuvent être rappelés ici, comme de ne pas confondre épargne et investissement, et donc de toujours conserver une épargne de sécurité. Ou encore diversifier ses investissements et ne jamais rien décider sans bien s’informer.
"Il est absolument crucial d’avoir le réflexe de s’informer, comparer, comprendre ce que l’on fait avec son argent, rappelle Mathieu Saudoyer. Si une personne fait l’exercice d’établir un budget, elle est déjà sur la bonne voie pour éviter certains problèmes. C’est la première chose que nous conseillons : faire en sorte de disposer d’un bon aperçu de sa situation, pour pouvoir agir en conséquence. Cela semble basique, mais c’est vraiment très important."
M. Saudoyer
Pour Anne Berger, de l’ASBL Financité, le premier conseil à donner aux jeunes couples qui emménagent ensemble, en matière d’argent, c’est d’en parler et de réfléchir sans tarder à des règles de fonctionnement. "Parce qu’au début, tout va bien, on ne veut pas s’embêter avec ça. Mais le temps passe vite et on peut se retrouver pris dans des habitudes qui ne sont pas bonnes pour l’un ou l’autre, avertit-elle. Sur le long terme, ne pas avoir mis les choses à plat peut avoir des conséquences dramatiques, même si elles ne sont pas toujours intentionnelles." Et de conseiller la lecture du livre "Le couple et l’argent" (L’Iconoclaste, 2022), dans lequel Titiou Lecoq décortique la façon dont la gestion des finances dans de nombreux couples, combinée à la persistance dans notre société de phénomènes comme l’écart salarial ou les stéréotypes de genre, finissent par appauvrir les femmes.
Selon la dernière enquête nationale de Febelfin (2023), la fédération belge du secteur financier, 54 % des jeunes de 16 à 24 ans ressentent une aversion pour la gestion de leur argent, et 49 % déclarent perdre parfois le sommeil à cause de leurs finances. " L’argent les préoccupe de manière beaucoup plus forte que les autres tranches d’âge", commente Charline Gorez, porte-parole de l’institution, qui fait le lien entre ces inquiétudes et un certain manque de connaissances financières. Car toujours selon la même enquête, seuls 35% des jeunes se disent impliqués dans leurs finances, et 68% bien informés de leur situation. Cette génération, très connectée, n’en est pas moins vulnérable face aux arnaques en ligne, fait encore remarquer Charline Gorez. Ces constats mènent Febelfin à lancer elle aussi des initiatives de sensibilisation, dont un site destiné aux jeunes adultes : financesetmoi.be
Ch. Gorez