Maintien à domicile

Des services pour améliorer le bien-être des aidants

60% des aidants proches ne font appel à aucun service de soutien ou de répit. C’est ce que montre une étude menée par la MC et l'UCLouvain auprès de 500 aidants proches. En cause notamment : le manque d'informations, la pression morale et sociale, le coût et la disponibilité des services.

Publié le: 16 février 2021

Mis à jour le: 19 septembre 2024

Par: Joëlle Delvaux

7 min

Deux personnes se tiennent les mains

Photo: © AdobeStock

Être aidant est tout à la fois une source de satisfaction et une source de détresse, ce qui reflète bien le délicat équilibre que ce rôle peut représenter.

"Nous voyons à travers cette recherche que, dans l’ensemble, les aidants se portent plutôt bien. Ils sont relativement peu épuisés émotionnellement et disent trouver de l’accomplissement dans leur rôle, lance d'emblée Pierre Gérain, chercheur au Laboratoire Scalab à l’université de Lille et à l'Institut de recherches en sciences psychologiques de l'UCLouvain. On a tendance à pointer les situations particulièrement compliquées où les aidants vont mal. Heureusement, quand on prend un échantillon large, on voit que les aidants rapportent une santé perçue 'plutôt moyenne'. Mais derrière elle, se cache une réalité très diversifiée. Certaines personnes vont extrêmement mal et d'autres, à l'inverse, tout à fait bien. Comprendre ce qui détermine le bien-être des aidants proches et explorer les raisons de (non) recours aux services de soutien et de répit étaient donc les deux objectifs de notre recherche".

Des situations très variées

"Comprendre les aidants proches, leur bien-être et leur recours aux services de soutien et de répit". L'étude réalisée par Pierre Gérain et Hervé Avalosse a porté sur les proches vivant sous le même toit que la personne aidée. Pour ce faire, 26.700 aidants potentiels, membres de la MC, ont été contactés par courriel en janvier 2020, juster avant que débute la crise sanitaire. Près de 500 personnes ont répondu à un questionnaire en ligne : un peu plus de la moitié sont des femmes et l’âge moyen est de 58 ans.

Quant aux personnes aidées, près de deux tiers sont des femmes. Leur âge moyen est de 60 ans. Il s'agit le plus souvent du conjoint de l’aidant (42%), de son parent (28%) ou de son enfant (22%). Les problèmes de santé de la personne aidée sont principalement les maladies chroniques (diabète, sclérose en plaque, épilepsie…) (28%), le handicap physique (24%), la perte d’autonomie (20%) ou une maladie neurodégénérative (16%).

Entre fardeau et satisfaction

Premier enseignement : le bien-être de l'aidant est fortement influencé par le degré d'autonomie de la personne aidée ou la présence de comportements problématiques (agressivité, violence). Mais la manière dont l'aidant évalue la situation dans laquelle il vit est tout aussi déterminante que ces facteurs objectifs. L'aidant ressent-il son rôle comme un fardeau ou, à l'inverse, y trouve-t-il une source de satisfaction, voire une manière de s'accomplir ?"Prenons l'exemple d'une personne confrontée aux comportements dé am bulatoires de son conjoint, explique Pierre Gérain. Cette personne s'épuise au jour le jour et perçoit sa situation comme particulièrement difficile. Pourtant, elle se sent aussi utile et proche de son conjoint. La satisfaction qu'elle tire de son rôle d'aidant la protège de l'épuisement émotionnel. On se retrouve donc dans une situation où être aidant est tout à la fois une source de satisfaction et une source de détresse, ce qui reflète bien le délicat équilibre que ce rôle peut représenter".

Les auteurs de l'étude plaident pour que ce ressenti subjectif soit pris en compte par les services de soutien pour évaluer les besoins d'aide. "Deux situations comparables peuvent amener des réponses différentes. Les besoins ne seront pas les mêmes selon la manière dont l'aidant vit son rôle", précise le chercheur.

Des services d'aide peu sollicités

Recourir à des services de soutien et à des services de répit est un élément-clé dans le maintien à domicile de la personne aidée sur le long terme. Les services de soutien se caractérisent par un accompagnement régulier visant à remplacer l’action de l’aidant dans une ou plusieurs tâches d’aide au quotidien : ménage, soins d'hygiène, repas, surveillance... Les services de répit, quant à eux, permettent à l’aidant de faire un pause dans son rôle, d’avoir du temps libre, de se ressourcer, de se recharger ses batteries aussi. Cela peut durer quelques heures, une journée ou plus longtemps.

Ces services sont trop peu utilisés par les aidants, comme le montre l'étude. Un tiers des aidants fait appel à au moins un service de soutien. L’aide-ménagère est la plus courante (65%), suivie par l’aide familiale (38%), l’aide à la mobilité (21%) et la livraison de repas (20%). Les aidants ont également recours à d’autres formes d’aide (27%), incluant principalement les services infirmiers pour la toilette et la télévigilance.Le recours aux services de répit est moins fréquent encore. Un peu plus d'un aidant sur dix a déjà fait appel à un tel service, qu'il s'agisse de répit institutionnel (court séjour en maison de repos, maison de vacances et de convalescence, centre de jour…) ou de garde à domicile.

Les aidants recourant à ces services aident des proches dont la perte d'autonomie est davantage prononcée. Ils sont confrontés à une situation complexe mais leurs difficultés émotionnelles et physiques ne semblent pas plus aiguës pour autant, constatent les auteurs de l'étude. On peut y voir la preuve que ces services professionnels jouent un rôle efficace ou, en tout cas, permettent de maintenir une forme d’équilibre.

Des barrières à lever

A contrario donc, la majorité des aidants n’a pas recours à des services de soutien et de répit. Pris ensemble, 60% des aidants interrogés n’ont recours ni à l’un, ni à l’autre. La raison la plus couramment évoquée (plus d'un tiers des répondants) est l’absence de besoin, la perception étant que "tout va bien à l’heure actuelle, la situation est gérable". D'autres justifications suivent rapidement : manque d’informations, indisponibilité des services, coût trop élevé, réticences personnelles et sentiment de culpabilité, désapprobation de l’entourage, pressions de la part du proche, etc.

"Il faut certainement améliorer l'information et renforcer l'accessibilité des services, notamment en assurant un maillage sur tout le territoire, plaide Pierre Gérain. Il est de la responsabilité des pouvoirs publics de soutenir les initiatives existantes et de mener une politique coordonnée d'aide aux personnes et de maintien à domicile. Mais il est tout aussi important de lever les barrières subjectives qui empêchent des aidants en détresse (ou en passe de le devenir) de pouvoir s’appuyer sur les ressources précieuses que sont les services de soutien et de répit", conclut le chercheur.