Soins de santé
Chaque élève bénéficie d'une suivi médical régulier durant son parcours scolaire. Comment se passent les bilans de santé? À quoi servent-ils? La réponse avec des professionnels du terrain.
Publié le: 25 octobre 2024
Par: Joëlle Delvaux
8 min
Photo: “© AdobeStock //L'examen de la vue est réalisé lors de chaque bilan de santé
La visite médicale scolaire, chaque adulte en garde des souvenirs plus ou moins gênés ou amusés. Aujourd'hui, on parle plutôt de bilan de santé individuel. Les objectifs sont multiples : détecter chez l'enfant d’éventuels problèmes de santé qui peuvent influencer ses apprentissages scolaires, faire le point avec lui sur sa santé globale et assurer le suivi des recommandations du médecin scolaire auprès des parents, dans un esprit de promotion de la santé pour rendre l'enfant acteur de sa santé.
Le bilan de santé est un service public obligatoire et gratuit en Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB). "Chaque enfant, chaque jeune a la chance de bénéficier régulièrement d'un examen médical complet au cours de sa scolarité", précise Lucrèce Lienard, responsable du pôle PSE à l'ONE. Concrètement, pour près de 80 % des enfants, le suivi médical préventif est assuré par un service de promotion de la santé à l'école (PSE). Seuls les élèves de l'enseignement organisé par la FWB (essentiellement les athénées dans le secondaire) sont suivis par un centre PMS.
“Pour une proportion importante d'enfants avec indices socio-économiques bas, c'est la seule occasion de voir un médecin, se félicite Lucrèce Lienard. Le bilan de santé est un outil précieux de lutte contre les inégalités sociales de santé." Isabelle Masquelier, infirmière sociale au PSE du centre de santé de Visé ajoute : "Le plus souvent, lorsque l'enfant a un contact avec le généraliste, c'est parce qu'il est malade. Rares sont les occasions de bilan complet une fois passée la petite enfance."
La plupart du temps, les élèves se rendent par classe au service PSE. L'accueil en groupe est un moment important. "On veille à les mettre à l'aise et en confiance. On lève de fausses craintes", explique Brigitte Martin, infirmière sociale coordinatrice du PSE libre de Braine-l'Alleud. Par exemple : non, ils ne sont pas pesés devant les autres. Ils peuvent même demander de ne pas connaître leur poids. Non, ils ne doivent plus faire pipi dans un petit pot." On explique aussi ce que le médecin va observer et pourquoi, en passant en revue les parties du corps. C'est l'occasion de faire de la pédagogie et de transmettre des messages de santé."
L'organisation des bilans de santé diffère de la maternelle à l’enseignement supérieur. Mais d'une façon générale, l'élève passe d’abord chez l’infirmière ou l'infirmier qui prend son poids, mesure sa taille, évalue sa vue et son audition. Ensuite, il est reçu par le ou la médecin scolaire qui réalise un examen clinique adapté à son âge, en tenant compte des points d’attention relevés dans le questionnaire médical complété au préalable par les parents. Un questionnaire papier dont le remplissage répétitif s’avère souvent fastidieux, regrettent les professionnels de la santé. Qui plaident ardemment pour centraliser les bilans de santé et données de vaccination des enfants sur une plateforme commune (en respectant la protection des données).
"Le temps consacré en moyenne à chaque enfant est assez court, moins de dix minutes, admet le Dr Alexandra Gallez, coordinatrice médicale au PSE Hainaut Picardie. Mais la qualité de l'entretien compte avant tout. Et je prends plus de temps si nécessaire. En tout cas, la plupart osent poser des questions et aborder les sujets qui les préoccupent". Adeline Vaneste, infirmière au PSE de Visé, abonde. "Lorsqu'on pèse et mesure les filles, beaucoup s'inquiètent de savoir si elles ne sont pas trop grosses. Les garçons sont davantage préoccupés par leur taille. Le plus souvent, on les rassure en leur montrant leur courbe. Cela étant, on constate que le surpoids et l'obésité s'installent chez des enfants de plus en plus jeunes".
Au cours de sa scolarité, l'enfant passe 6 bilans de santé obligatoires : en 1ère et 3e maternelle, en 2e et 6e primaire, en 2e et 4e secondaire. S'y ajoute, en 4e primaire, un examen de la vue (sans visite du médecin). Par ailleurs, l'étudiant inscrit dans l'enseignement supérieur non universitaire est aussi tenu de passer un bilan.
Tous ces bilans sont utiles, estime la Dr Alexandra Gallez. De par leur régularité, ils permettent de détecter rapidement des problèmes de santé et de suivre leur évolution. Par ailleurs, chaque tranche d'âge a ses examens spécifiques ou points d'attention particuliers. Par exemple :
● En 1ère maternelle, l'examen de la vue permet de détecter l'amblyopie (ce qu'on appelle l'œil paresseux). "Ce problème est de plus en plus fréquent, s'inquiète Isabelle Masquelier. Il doit être dépisté avant 6 ans si on veut que le traitement (pose d'un cache) soit efficace et que l'enfant ne perde pas la vue d'un œil".
● En 3e maternelle, le médecin s'intéresse en particulier au développement de l'enfant, à son langage. Il s'agit de repérer d’éventuels risques de troubles d’apprentissage avant le passage à l’école primaire.
● En 4e primaire, l'examen de la vue permet souvent de détecter la myopie, un trouble aussi en hausse.
● En 6e primaire, l'attention est portée sur la croissance, les signes de puberté, les anomalies testiculaires chez les garçons… C'est le moment aussi du rattrapage vaccinal pour la rubéole, la rougeole et les oreillons, effectué au moment du bilan lorsque les parents ont donné leur accord. En effet, la vaccination fait partie des tâches effectuées par les infirmières des PSE. L'administration des vaccins aux âges recommandés est gratuite.
● En 2e et 4e secondaire, le panel s'élargit, tenant compte des problèmes et préoccupations des adolescents : les menstruations, le sommeil, les assuétudes, les troubles alimentaires… La vaccination contre le papillomavirus humain (HPV) prend place aussi dans le calendrier vaccinal autour de 13-14 ans.
À l’issue du bilan de santé, les conclusions du médecin scolaire reprenant les points de l’examen clinique de l'enfant sont transmises aux parents, avec éventuellement des recommandations. Dans le cadre de la médecine préventive, le médecin scolaire ne prescrit jamais de traitement.
Lorsqu'un problème de santé est identifié chez l'enfant (trouble de la vue ou de l'audition, caries dentaires, surpoids, souffle cardiaque, anomalies testiculaires, etc.), le médecin scolaire invite les parents à se rendre chez le médecin traitant, chez un médecin spécialiste (ORL, ophtalmologue…), chez un dentiste ou un orthodontiste, selon les cas. Les parents sont invités à renvoyer au service PSE le document complété par le prestataire de soins consulté. Si, après quelques mois, le service n'a pas eu de retour, il les recontacte.
"Souvent les parents nous remercient de les avoir alertés sur un problème, parfois grave”, précise Pierre Squifflet, directeur du service PSE libre du Brabant wallon. Informer et conseiller les parents pour qu'ils sachent que faire, qui consulter et comment bénéficier des soins nécessaires, font partie intégrante du travail des équipes PSE. Éventuellement, un bilan préventif spécifique peut être proposé et un suivi rapproché de l'enfant assuré avec l'accord de la famille.
"Le bilan de santé, c'est un service universel essentiel à la population, conclut Christine Rigaut, directrice du service PSE Hainaut Picardie. L'élève qui ne vient pas à un bilan est reconvoqué. Il est important de faire le maximum pour suivre tous les enfants et n’en laisser aucun dans la nature".
Grâce aux bilans de santé, on devrait disposer d'une mine d'informations sur l'évolution de la santé et du bien-être des enfants et des jeunes en FWB. Malheureusement, il n'en est rien. Une des missions de l'ONE est pourtant de recueillir les données sanitaires provenant du suivi médical scolaire et d'en tirer des enseignements utiles pour contribuer à définir les besoins en santé et éclairer les politiques de prévention et de promotion de la santé à mener. Les raisons qui expliquent ces manquements sont multiples, à la fois techniques, budgétaires et politiques.
En attendant, et faute de moyens suffisants en personnel et en temps pour de nombreux services PSE (1), les équipes assurent tant bien que mal une autre de leurs missions, qui consiste à programmer et animer des actions de promotion de la santé dans les écoles. En tenant compte notamment des problèmes de santé fréquemment rapportés par les médecins scolaires. Et avec une attention particulière à la santé mentale.
(1) Les services PSE de l'enseignement libre fonctionnent avec environ 2 fois moins de subsides que les services PSE provinciaux et communaux (qui bénéficient de financements complémentaires à celui de l'ONE) et avec 3 fois moins de subsides que les centres PMS, financés via l’enseignement. Une discrimination dénoncée dans une étude menée par des analystes et chercheurs en 2021 (Etude économique des ressources financières et humaines pour la réalisation des missions des PSE et des mécanismes de financement nécessaires dans le cadre du refinancement progressif du secteur, ADE, Spiral).
Pierre Squifflet